Routes de la soie : où en est-on en 2025 ?
En 2013, à l'initiative de Xi Jinping, la Chine a lancé la Belt and Road Initiative (BRI), plus connue sous le nom de “Nouvelles routes de la soie”. Ce projet colossal d’infrastructures a pour but de connecter l’Asie à l’Europe, l’Afrique et au-delà, à travers un vaste réseau tentaculaire. Plus de dix ans après son lancement, où en est ce projet pharaonique ?
Quels intérêts pour la Chine ?
Pour la Chine, ce projet répond à plusieurs objectifs stratégiques. Sur le plan économique, il vise à sécuriser ses approvisionnements en matières premières et en énergie, tout en créant de nouveaux débouchés pour ses entreprises et en favorisant l'internationalisation de sa monnaie, le yuan.
D’un point de vue géopolitique, ces nouvelles routes permettent à Pékin d'accroître son influence sur la scène internationale et de renforcer ses liens avec les pays partenaires. La Chine cherche ainsi à se positionner comme un partenaire indispensable et de confiance, créant des alliances en concurrence directe avec l’influence occidentale, notamment celle des États-Unis.
Bilan et réalisations
Après plus d’une décennie, le projet a considérablement avancé malgré les difficultés inhérentes à une telle entreprise. Parmi les réalisations notables, on peut citer le corridor économique Chine-Pakistan, le chemin de fer entre Mombasa et Nairobi, ou encore le développement du port du Pirée en Grèce. Près de 150 pays et une trentaine d’organisations internationales se sont associés à cette initiative, pour des investissements cumulés se chiffrant en milliers de milliards de dollars.
Ces nouvelles routes de la soie ont permis de désenclaver de nombreuses régions, facilitant les échanges commerciaux et stimulant les économies locales par la création d’emplois. Pour de nombreux observateurs, dont la Banque Mondiale, cette initiative complexe devrait permettre à beaucoup de pays en développement d'améliorer leur économie et, par conséquent, les conditions de vie de leurs habitants.
Un projet ambitieux soumis à de vives critiques
Malgré ses aspects positifs, le projet fait néanmoins l’objet de critiques virulentes. L’une des principales concerne le “piège de la dette”. De nombreux pays se sont lourdement endettés auprès de la Chine pour financer ces infrastructures. Selon une étude du Lowy Institute, Pékin devrait d'ailleurs encaisser des remboursements records en 2025. La Chine agit ainsi comme une banque et un collecteur de dettes, menaçant la souveraineté des pays les plus vulnérables, qui pourraient être contraints de céder des actifs stratégiques en cas de défaut de paiement.
L’opacité des contrats et des appels d’offres est également pointée du doigt, beaucoup soupçonnant du favoritisme, voire de la corruption, au profit des entreprises chinoises. Des préoccupations d'ordre social et environnemental ont également été soulevées, que ce soit sur le respect du droit des travailleurs ou sur l’impact du projet sur les écosystèmes traversés.
Enfin, les ambitions géopolitiques chinoises inquiètent l'Occident. En réaction, les puissances occidentales ont lancé leurs propres initiatives. Si les sanctions économiques de l'ancienne administration Trump ont eu une efficacité débattue, des projets plus structurés ont émergé, comme le « Global Gateway » de l’Union européenne ou le « Build Back Better World » (B3W) initié par les États-Unis, visant à offrir des alternatives de financement aux pays en développement.
Une stratégie en pleine redéfinition
Face à ces critiques, la Chine ajuste sa stratégie. Pékin met de plus en plus l’accent sur des projets "plus verts" et "plus petits" (small and beautiful), afin de contrer l'image d'un projet écrasant et imposé. L'initiative, toujours en cours, doit s'adapter à un contexte de forte volatilité géopolitique. Pour y parvenir, la Chine devra rassurer ses détracteurs, faire preuve de plus de transparence et démontrer sa volonté de bâtir une stratégie “gagnant-gagnant”, plutôt que d'attenter à la souveraineté de ses partenaires par le biais de la dette.
Pour les pays participants, l’enjeu sera de savoir saisir les opportunités offertes par la BRI pour catalyser leur développement, tout en préservant leur souveraineté politique et économique face aux grandes puissances.
En conclusion, les nouvelles routes de la soie constituent un projet d’une ampleur inédite à notre époque, aux implications économiques et géopolitiques majeures. Si l'initiative offre des perspectives de développement réelles, elle soulève aussi des défis cruciaux en matière de finance, de géopolitique et d’impact environnemental et social. Les prochaines années seront décisives pour déterminer si ce projet titanesque peut évoluer vers un modèle de coopération durable et mutuellement bénéfique.