ONE : le sumo des mers
ONE (Ocean Network Express) est le produit de la fusion des trois grands armateurs japonais, à savoir N.Y.K. (Nippon Yusen Kaisha), M.O.L. (Mitsui OSK Lines) et K-Line (Kawasaki Kisen Kaisha), fusion réalisée en juillet 2017. Ces 3 entités sont d’ailleurs bien connues du milieu logistique et chacune d’elles possède sa propre histoire.
Nippon Yusen Kaisha
N.Y.K. est une entreprise industrielle maritime très ancienne, fondée en 1870 sous le nom de Tsukumo Shokai Shipping, renommée deux ans plus tard Mitsukawa Sokai puis Mitsubishi Sokai. Le premier service régulier de la compagnie fut une ligne reliant Yokohama à Shanghai dès 1875. Une dizaine d’années plus tard, le groupe fusionna avec une société nommée Kyodo Unyu Kaisha ce qui donna le nom de Nippon Yusen Kaisha, que tout le monde connaît sous les initiales de N.Y.K.
A l’origine, la compagnie maritime était spécialisée dans le transport de marchandises et de denrées alimentaires au Japon. Mais, peu à peu, elle a décidé d’étendre son activité au monde entier tout en investissant dans de nouveaux navires pour moderniser sa flotte. La seconde guerre mondiale mit un grand coup d’arrêt au business florissant de l’armateur nippon qui vit ses 222 navires réquisitionnés et en perdit 185 dans les différentes batailles qui coûtèrent la vie à 5 000 de ses marins.
Le conflit mondial n’eut toutefois pas raison de la ténacité de l’armateur qui se releva et reprit une activité en 1952 entre l’Asie et l’Europe via le canal de Suez. A la fin des années 60, l’utilisation du container s’est développée et la compagnie décida d’investir dans un porte-conteneurs baptisé M/V Hakone Maru et qui circula entre l’Asie et les côtes californiennes.
S’ensuivit une croissance constante de la compagnie, accompagnant la montée en puissance de la mondialisation au cours des 70. N.Y.K. diversifia également son activité en étendant sa marque au transport aérien à travers une de ses filiales, du transport roulier, du service tanker et, comme son concurrent M.S.C., de la croisière par l’intermédiaire de sa filiale Crystal Cruises Inc.
Mitsui OSK Lines
L’armateur M.O.L. est né en 1964 par la fusion de OSK Lines, fondée en 1884, et de Mitsui Line, fondée, elle, en 1942. OSK est à l’origine l’association de 55 armateurs disposant d’une petite flotte chacun. Ils décidèrent de fusionner pour se donner plus de force sur un secteur très concurrentiel. Au départ, les lignes étaient essentiellement actives autour de l’archipel japonais, pour ensuite s’étendre aux côtes asiatiques dans leur globalité, avant de naviguer sur l’ensemble des mers du globe au début du XXème siècle, à l’initiative du nouveau président de la compagnie : Tokugoro Nakahashi.
Mitsui Line est quant à lui un armateur spécialisé dans le transport de biens industriels. Il a commencé son activité de transport maritime avec des navires à moteur pour acheminer du charbon issu de mines lui appartenant. La société se spécialisa dans le transport industriel et étendit rapidement son activité à toutes les routes internationales, se dotant d’une flotte en augmentation constante, passant de 9 à 30 navires en 1919 avant de construire son propre chantier naval l’année suivante. Les vingt années qui suivirent furent prospères et l’armateur ne cessa d’ouvrir de nouvelles lignes et d’augmenter sa flotte.
Avec la seconde guerre mondiale, tout comme son N.Y.K, la compagnie se vit confisquer ses navires et n’en récupéra que 55 à la fin du conflit, tous plus ou moins vieillissants et en piteux état. Malgré tout, la société tint bon et renoua avec les échanges internationaux, tout en étoffant sa flotte.
En 1964 Mitsui et O.S.K. fusionnèrent pour devenir M.O.L. La nouvelle alliance investit très rapidement dans le transport de conteneurs maritimes à travers de très nombreuses routes. En parallèle la société lança une activité de transport de véhicules mais délaissa le transport pétrolier, allant jusqu’à annuler la construction de navires au moment de la crise de 71. Sur cette décennie et jusque dans le milieu des années 80, la compagnie a réduit sa flotte et ses effectifs, réduction de voilure dans la tempête de la crise économique.
Après une fin des années 80 en demi-teinte (la société n’a versé aucun dividende entre 87 et 89), l’armateur renoua avec la croissance grâce à la reprise d’activité du commerce international, notamment avec le développement au milieu des années 90 des premiers échanges en e-commerce et à leur démocratisation à l’échelle mondiale.
En 2015, la compagnie commanda de nouveaux navires, six au total, pouvant transporter 20 150 EVP chacun.
Kawasaki Kisen Kaisha
Kawasaki Kisen Kaisha Ltd est une société japonaise née en 1919 sous l’impulsion de Matsukata Kojiro. Très vite le groupe passa commande d’une cinquantaine de navires pour se lancer dans la course au transport maritime de marchandises. Suite à l’acquisition éclair de sa flotte, le groupe se classa 13ème mondial. Mais l'ascension fut brutalement freinée par la seconde guerre mondiale, qui lui fit perdre 56 de ses navires et ne lui en laissa plus que 12 en état de fonctionnement.
La perte de ses navires ne fut pourtant pas le coup de grâce pour l’armateur japonais. A nouveau il passa commande de nouvelles unités maritimes et rétablit ses lignes d’échanges commerciaux. Au début des années 60 le groupe fusionna avec Lino Kisen, portant sa flotte à 104 navires. Cette fusion permit de solidifier l’activité du japonais, le portant au rang des leaders mondiaux du secteur.
Comme tous ses confrères, le groupe se passionna pour la containerisation et créa ,en 1971, une société de terminaux à conteneurs baptisée International Transportation Service. La même année l’armateur s’ouvrit au service ro-ro en inaugurant son premier navire, le Toyota Maru n°10. Une activité à laquelle s'ajouta en 2003 la filiale KSS - K Line Europe Short Sea, une activité entièrement dédiée au ravitaillement européen en voitures neuves, avec une flotte de 11 navires rouliers dédiés.
Côté pétrole, le groupe fonda une société baptisée K-Line Offshore AS spécialisée dans les services d’assistance offshore aux champs pétroliers et gaziers. La flotte de navires atteint actuellement la vingtaine pour ce service.
La puissance du 3 en 1
En 2016, N.Y.K., M.O.L. et K-Line décidèrent de fusionner pour faire poids dans un secteur hyper-concentré et dominé par les gros faiseurs. La même année, Hanjin Shipping était placée en redressement judiciaire, de quoi justifier encore plus l’idée d’entrer dans le club des « too big to fail ».
La fusion fut actée en juillet 2017 et l’activité de ONE débuta officiellement le 1er avril 2018, avec un siège social basé à Tokyo, un siège des opérations commerciales à Singapour et plusieurs sièges régionaux au Royaume Uni, aux USA, en Chine et au Brésil. Les parts de chacune des sociétés fondatrices se répartissent ainsi : 38% N.Y.K., 31% M.O.L., 31% K-Line.
Une des caractéristiques de la nouvelle entité c’est sa couleur nommée fleur de cerisier japonais : un rose soutenu qui tranche avec les classiques containers rouge-brique, bleu-cobalt ou encore vert-mousse. Ainsi bateaux et containers de O.N.E. arborent une couleur unique, superbe coup marketing !
Avec cette fusion, le nouvel armateur déploie à ce jour une flotte de près de 240 porte-conteneurs en plus de tous les autres types de navires initialement possédés par chacune des entités à l’origine de cette fusion. Un des premiers investissements de ONE fut l’achat de 14 000 containers reefers neufs, ainsi que de nouveaux navires.
Fruit de l’alliance stratégique de trois compagnies nationales, ONE figure aujourd’hui à la 6ème place mondiale en terme de capacité de transport en containers.