Connaissez-vous l'histoire du canal de Suez?
Les Égyptiens ont construit les pyramides il y a des milliers d’années et, si vous avez eu la chance d’aller sur place, vous aurez pu constater qu’elles tiennent le coup malgré les siècles. Il y a toutefois une réalisation dont rêvaient les pharaons et qu’ils ne sont pas parvenus à concrétiser : relier la Mer Rouge à la Mer Méditerranée. C’est au cours de la seconde moitié du 19ème siècle que Ferdinand de Lesseps réalise ce rêve de souverain égyptien.
Un projet pharaonique datant de l’antiquité
Le projet du canal de Suez existait bien dès l’Antiquité. Si le projet en lui-même n’a pu se concrétiser à l’époque, il exista tout de même ce qu’on appelle le canal des pharaons. Un canal qui fut construit pour relier la Mer Rouge au Nil.
L’histoire exacte de ce canal reste quelque peu floue. Bien que sa réalité soit avérée, les détails quant à sa création restent encore opaques. Ce sont d’abord les auteurs grecs comme Aristote, Strabon ou encore Pline l’Ancien qui mentionnent ce canal dont l’origine remonterait aux alentours de 1850 avant notre ère et dont l’initiateur serait, on le suppose, le pharaon Sésostris III. Pourtant, une inscription sur le temple de Karnak pourrait contredire les écrits grecs pour faire remonter l’origine du canal à 1380 avant notre ère, c'est-à-dire au temps de Séthi 1er. On pense toutefois que ce canal, en tout cas à l’époque à laquelle il est mentionné ou est supposé exister, n’était sans doute encore qu’un canal dédié à l’irrigation, au moment où la Mer Rouge était plus haute. Ce n’est que plus tard, que le pharaon Nékao II a entrepris, vers 600 avant notre ère, de relancer ce projet dans un but commercial cette fois-ci.
C’est l’historien Grec Hérodote qui aurait eu accès aux archives des pharaons et aurait ainsi pu décrire la mise en œuvre de cet ouvrage. D’après ces écrits, la construction du canal aurait couté la vie à 120 000 hommes (chiffre sans nul doute extrapolé) et aurait été créé dans le but d’assurer une liaison sûre entre l’empire de Pharaon et l’extrême orient, évitant ainsi l’empire Babylonien régi par Nabuchodonosor II avec qui il était en conflits réguliers. Le projet tourna court et ne fut jamais terminé, Pharaon ayant cru les dires d’un oracle qui lui aurait prédit que son canal serait une aubaine pour ses ennemis.
Vers 520 avant notre ère, lorsque l’Egypte était sous domination Perse sous la houlette de Darius 1er, celui-ci demanda à l’un de ses plus éminents géographe de trouver une voie maritime reliant le royaume de Perse à l’Égypte. Ce géographe, du nom de Scylax, reprit le projet de Nékao II et le termina. On a d’ailleurs retrouvé une stèle près du petit lac Amer lors du percement de l’actuel canal de Suez, mentionnant cet ouvrage. Cette stèle, exposée au Louvre, proclame d'ailleurs ceci : « Le roi Darius a dit : je suis un Perse. En dehors de la Perse, j'ai conquis l'Égypte. J'ai ordonné ce canal creusé depuis la rivière appelée Nil qui coule en Égypte à la mer qui commence en Perse. Quand ce canal a été creusé comme je l'ai ordonné, des bateaux sont allés de l'Égypte jusqu'en Perse, comme je l'avais voulu. »
Les générations se succédèrent et le canal fut peu à peu abandonné et ensablé. Pourtant, vers 280 avant notre ère, Alexandre le Grand lors de sa traversée Égyptienne, demanda à Ptolémée II de le remettre en état et de l’améliorer pour assurer un accès aux bateaux militaires et commerciaux. Le projet fut un succès et le canal atteignit enfin la Mer Rouge par une jonction au niveau de l’actuelle Suez (auparavant la jonction se trouvait sur le lac Amer). Le canal permit ainsi le développement du commerce mais son entretien fastidieux fit qu’au fil des années, il devint difficile de le maintenir en état et l’ouvrage fut peu à peu laissé à l’abandon lorsque celui-ci devint de plus en plus dangereux pour la navigation (Cléopâtre elle même éprouva des difficultés pour envoyer sa flotte sur la Mer Rouge pour échapper au contrôle de Rome).
Le canal fut restauré par l’empereur Romain Auguste en -30 qui l’utilisa à des fins commerciales. Cet usage perdura plusieurs années, jusqu’au règne de Néron en 54. Cette fois-ci le canal fut encore amélioré mais surtout il fut entretenu et protégé, devenant ainsi l’une des voies de commerce essentielle pour l’empire Romain. Après sa chute, ce sont les royaumes musulmans qui prirent la relève du contrôle de ce canal. Les prises de contrôle se succédèrent jusqu’en 769 de notre ère où le canal fut comblé par le calife Abou Djafar al-Mansour qui voulut ainsi affamer Médine en révolte contre lui.
Canal des pharaons / Source Wikipedia
L’idée d’un nouveau canal se dessine
Le canal des pharaons tomba dans l’oubli et les navires passèrent par le cap de la Bonne-Espérance pour rejoindre la Mer Rouge. Il fallut attendre 1584 pour que l’idée du creusement d’un nouveau canal émerge. Philippe Duplessis-Mornay proposa à Henri III de créer un canal reliant le Caire à Suez, mais le roi ne répondit pas. Un Marseillais non identifié proposa à Sully, alors premier ministre d’Henri IV, de relier Le Caire à Suez, tout comme l’avaient fait les pharaons. Là encore, lettre morte. Colbert sous le règne de Louis XIV songea lui aussi à ce canal mais, encore une fois, le projet resta dans les cartons.
L’idée d’un tel canal fut évoquée à de nombreuses reprises à travers diverses lettres auprès de plusieurs dirigeants, mais également dans des ouvrages qui suggéraient sa construction. Il fallut attendre l’arrivée de la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte pour que l’idée de ce canal revienne en force. Napoléon qui connaissait l’existence du canal antique demanda à un ingénieur du nom de Jacques-Marie Le Père d’étudier la faisabilité de ce creusement en se basant sur les écrits anciens et en émettant toutes les suggestions possibles pour que son utilisation fut pérenne. Le rapport sortit en 1808 et préconisa un canal reliant Péluse à Suez. Ce fut finalement Ferdinand de Lesseps qui prit la relève technique en perçant ce canal entre 1859 et 1869.
Ferdinand de Lesseps / Source : Wikipedia
Époque contemporaine et aboutissement du projet
Le projet recommença à être étudié sérieusement en 1798, grâce à l’émulation de Bonaparte lors de la campagne égyptienne, et le projet lui-même fut présenté en 1833 aux Égyptiens. Ceux-ci furent peu séduits. Cependant les ingénieurs et savants français ne se découragèrent pas et continuèrent à travailler à ce projet en élaborant, par exemple, de nouveaux nivellements précédemment entrepris lors des campagnes de Bonaparte. La campagne d’Égypte a présenté de considérables avancées scientifiques (par exemple la compréhension des hiéroglyphes), mais Napoléon ne parvint jamais à contrôler le pays. Malgré ceci, les deux pays continuèrent à collaborer autour de nombreux projets techniques et scientifiques.
En 1854 que le gouverneur d’Égypte accorda le 1er acte de concession du terrain pour les travaux à Ferdinand de Lesseps. Cependant, les britanniques s’en mêlèrent, craignant une trop forte influence de la France dans la région, et demandèrent l’annulation des concessions. En réalité, les Britanniques étaient sur le projet d’une ligne ferroviaire égyptienne à laquelle le canal aurait en toute logique fait concurrence. Cependant, Lesseps ne tint pas compte des Anglais et commença les travaux. S’ensuivirent de multiples tentatives britanniques pour ralentir ou clore les travaux de Lesseps, mais Napoléon III soutient Lesseps qui continue son projet.
A cette époque l’occident se partageait l’Afrique, ce qui explique les nombreuses tensions géopolitiques liées au canal. Mais le projet parvint à son terme et la France et l’Égypte en furent copropriétaires (56% pour l’un et 44% pour l’autre). Le bilan humain fut relativement lourd, on estime que sur les 1.5 millions de personnes qui travaillèrent sur ce canal, 125 000 moururent. Ce chiffre reste contesté.
Le canal de Suez représentait un réel pari sur l’avenir. Il concernait les navires à vapeur à une époque où seuls 5% des navires fonctionnaient selon ce système au niveau mondial. Les instigateurs du projet eurent toutefois le nez creux car, en une décennie, les compagnies maritimes se mirent toutes à niveau et passèrent aux nouvelles technologies.
En ce qui concerne les relations franco-britanniques, elles restèrent relativement tendues. Agacés de voir leur projet ferroviaire concurrencé par le canal, les Anglais étaient à l'affût de la moindre occasion pour contrer les Français. La raison est simple : l’Angleterre avait besoin de ce canal pour raccourcir son trafic avec les Indes. Avec un canal franco-égyptien, ils perdaient de leur influence sur cette route des Indes. En 1875, l’Égypte, endettée, vendit ses parts à bon prix aux Anglais. Quelques années plus tard, en 1882, suite à un coup d’État raté visant à réduire les disparités entre l’Europe et l'Égypte, notamment vis-à-vis du canal de Suez, une guerre éclata. Le conflit opposa l’Égypte et l’Angleterre, ainsi que la France pour des raisons stratégiques évidentes. Les deux frères ennemis envoyèrent des navires pour tenter d’endiguer les émeutes. A la fin de ce conflit, l’Angleterre occupa le pays, chose que n’avait pas réussi Napoléon avec sa campagne égyptienne.
Suite à ce conflit, et ce malgré les parts françaises détenues dans le canal, l’Angleterre en prit le contrôle jusqu’à la convention de Constantinople de 1888 qui établit que le canal était une zone de neutralité et que tout navire pouvait y circuler quel que soit le contexte. Après la 1ere guerre mondiale, l’Égypte obtint une indépendance limitée, les seules troupes britanniques restantes étant celles dédiées à la protection du canal.
Ouverture du canal de Suez / Source : Wikipedia
Le canal après la 2nde guerre mondiale et sa nationalisation
Suite à l’accord de 1922, l’Égypte regagna un peu d'indépendance, mais elle restait toujours sous le joug britannique. En 1951, le traité fut dénoncé par le 1er ministre de l’époque. Le Royaume Uni ne l'entendit pas de cette oreille et décida de passer outre les demandes du ministre et resta implanté sur le canal tout en renforçant de 64 000 hommes ses effectifs. Ceci entraîna un début d’émeutes et de révoltes qui firent des centaines de morts. Cette crise prit fin en 1956 et le gouvernement égyptien reprit le contrôle du canal de Suez et le nationalisa. Ceci permit à l’Égypte d’être en capacité de financer la construction du barrage d’Assouan, après que les USA et la banque mondiale aient tous deux refusé d’octroyer des prêts financiers au pays.
On aurait pu croire que les choses se seraient apaisées et pourtant il n’en fut rien. Le 26 juillet 1956 , la France, le Royaume Uni et Israël lancèrent une opération militaire appelée “Opération Mousquetaire” dans le but d’obtenir la restitution aux actionnaires des parts qui leur appartenaient, jugeant que c’est grâce à eux que le canal avait pu être créé et prospérer. Cette opération se solda par un échec cuisant du trio de Mousquetaires, les Nations Unies allant dans le sens de l’Egypte qu’elles jugeaient légitime et condamnant fermement l’action du trio. Beaucoup d’actionnaires finirent ruinés, certains protestèrent quand d’autres allèrent jusqu’à mettre fin à leurs jours. Mais aucune de ces actions ne fit changer les choses en leur faveur.
Le jour où le canal a fermé pour plusieurs années
C’est en mai 1967 que tout a débuté. Le président Nasser réclamait le départ des troupes de l’ONU du désert du Sinaï et imposa un blocus du détroit de Tiran, donnant accès à la Mer Rouge aux navires israéliens. Ce blocus fut considéré comme un Casus belli entraînant le début des hostilités entre les deux pays.
Cependant, malgré la demande d'Israël de rester neutre, les alliés de l’Égypte, la Jordanie et la Syrie ripostèrent à leur tour. Après ces premiers échauffourés, Israël parvint à prendre le contrôle de la Cisjordanie, la péninsule du Sinaï, la bande de Gaza et le plateau de Golan. Cette prise de contrôle permit finalement aux navires israéliens de passer par le détroit de Tiran et de réunifier Jérusalem qui était initialement divisée avec la Jordanie.
Cette guerre entraîna la fermeture du canal de Suez pendant 8 ans. La rive orientale étant en pleine guerre, il était devenu impensable de faire circuler des navires marchands, qui n’avaient aucun rapport avec le conflit, sur des zones aussi dangereuses. En 1973 la Syrie et l’Égypte attaquèrent par surprise Israël, conflit que l’on a nommé la guerre du Kippour. Les attaquants furent mis en déroute, non sans l’aide de l’ONU qui mit son grain de sel dans le but d’apaiser les belligérants.
Les Nations Unies, suite à cette prise de contrôle Israélienne, adoptèrent la résolution 242 qui réclamait la fin de cette occupation militaire qui est toujours en vigueur aujourd’hui et qui fait encore régulièrement l’actualité. Ce conflit est malheureusement toujours en cours. Les tensions restent de mise et le conflit Syrien et la géopolitique actuelle n’ont pas amélioré la situation. Toutefois la zone du canal est redevenue une zone apaisée.
Durant la fermeture du canal, les navires durent allonger leurs routes et, les pétroliers notamment, durent s’adapter pour éviter les pénuries dans les pays auxquels la fermeture du canal portait préjudice. C’est là que furent mis en service les supertankers, inadaptés au canal par leur taille, mais dont une capacité plus importante permettait de compenser le rallongement des transit times.
Exemple de super tanker / Source : Flickr
1975 : La réouverture du canal
Le conflit touchait à sa fin sur le terrain, tout du moins les tensions s’apaisaient et la zone du canal retrouvait une certaine neutralité. Il faut dire que l’Égypte a besoin du canal (sa 3ème source de devises). C’est tout le commerce mondial qui compte sur ce canal également, surtout que celui-là est en pleine expansion.
Il fallut 15 mois de travaux intenses, un déminage précis fait par les Américains, les Britanniques et les Français qui retirèrent plus de 45 000 mines, plus de 680 000 engins antichars et 200 tonnes de matières explosives. Une fermeture fut de nouveau évoquée à la fin des années 2000 à cause des augmentations d’actes de piraterie mais le canal fut rapidement remis en service car les conséquences s’avéraient catastrophiques sur le trafic mondial.
En 2014, l’Égypte annonce son projet de creuser un second canal parallèle au premier mais sur la partie orientale, permettant ainsi une circulation alternée et une optimisation du trafic. Long de 72 km pour un coût de 3 milliards d’euros, il fait passer le temps d’attente pour le passage des navires de 11h à 3h. En parallèle, le canal est élargi sur 35km pour s’adapter aux navires de type ultra, c'est-à-dire ceux pouvant transporter jusqu’à 22 000 EVP par chargement.
Source : Patrick Landman / Flickr
Quelles caractéristiques techniques ?
Le canal de Suez, comme vous avez pu le constater, a une histoire très ancienne et très mouvementée. Mais, au-delà de tous ces aspects historiques et géopolitiques évoqués précédemment, il représente également une réelle prouesse technique dont les caractéristiques en font un outil indispensable pour le commerce mondial.
Le canal possède un avantage non négligeable : il n’a pas besoin d’écluses ! Il est au même niveau que la mer, contrairement au canal de Panama. Long de 162 km, il a une largeur de 352 mètres au maximum et de 280 mètres à son minimum et une profondeur de 24 mètres, ce qui lui permet d’accueillir des navires ayant un tirant d’eau de 20 mètres et une largeur maximale de 50 mètres.
Pour l’anecdote, lorsque les supertankers mis en service pendant les 8 ans de la fermeture du canal purent passer, il fallut trouver une solution pour qu’ils puissent circuler sans risque dans ces eaux peu profondes. Cette solution fut la création d’un oléoduc dans lequel les supertankers vidaient une partie de leur pétrole, leur permettant de s’alléger pour passer le canal, pour ensuite, à l’arrivée, recharger leur navire toujours grâce à cet oléoduc.
On estime à ce jour que le canal voit passer 20 000 navires par an, représentant 14% du trafic mondial avec un temps de passage oscillant entre 11 et 16h.
En plus de la construction du canal en lui-même, de nombreux ouvrages ont été réalisés comme des tunnels routiers, des ponts tournants et fixes ainsi que des canalisations… et notre fameux oléoduc évoqué plus haut.
Chaque passage par le canal est savamment orchestré par des convois alternés. Traverser le canal ne se fait comme on rentre dans un tunnel par exemple. Il y a ici une réglementation bien précise et un nombre limité de convois quotidiens. Ces convois permettent ainsi d’éviter tout incident et de réguler au mieux les traversées, ce qui maintient une bonne fluidité du trafic global et donc de meilleurs calculs de temps de trajets pour les compagnies maritimes et la logistique mondiale qui fonctionne, comme on le sait, à flux tendus.
Cependant, qu’arrive-t-il si cette fluidité vient à se s’interrompre ? Le canal, bien que zone neutre, se situe dans une région à hauts risques géopolitiques issus de la guerre du Kippour, qui n’est pas réellement terminée, qui crée des tensions équivoques entre plusieurs groupuscules armés. On peut citer, au plus récent, l’attentat fin 2013 du COSCO ASIA qui fut un acte terroriste revendiqué mais sans réel impact humain et matériel, fort heureusement.
Autre facteur pouvant rompre la chaîne logistique : les accidents. Le plus ancien et l’un des plus connu fut sans nul doute le Karaboudjan (que les fans de Tintin auront sans doute reconnu) qui, en 1920, prit feu et explosa, tuant la moitié de son équipage. Plus récemment il y eut en 2006 le Grigoroussa 1 qui percuta une berge et perdit près de 3 000 tonnes de fioul sur plus de 20km. La même année un navire de maintenance fit naufrage et perdit 7 membres d’équipage et enfin en mars 2021 le Ever Given qui suite à une rafale de vent, s’échoua en travers du canal, le bloquant complètement pendant plusieurs jours.
Exemple de l'évolution de la profondeur du canal / Source : Wikipedia
Quel impact environnemental ?
On ne pouvait pas conclure ce dossier sur le canal de Suez sans aborder l’aspect écologique de la chose. En effet, séparer physiquement, de manière artificielle, l’Afrique de l’Asie tout en faisant se mélanger deux mers séparées depuis des millions d’années a forcément eu un impact environnemental.
Un canal tel que celui de Suez a fait se déverser des millions de mètres cubes d’eau, occasionnant des migrations massives de diverses espèces animales, microbiennes et mêmes parasitaires. L’impact est tel que certaines espèces invasives ont pris le dessus sur les espèces autochtones, remodelant par endroit les environnements biologiques et, donc, créant de forts déséquilibres.
Le canal a permis d’éviter de contourner l’Afrique. Cependant, il a fait s'accroître de manière extrême les passages en mer Méditerranée qui représentent maintenant 30% du commerce mondial alors qu’elle ne compte que pour moins de 1% des océans mondiaux. Ceci rend cette mer, déjà dotée d’un environnement écologique fragile, fortement menacée. On considère d’ailleurs que la Méditerranée est à ce jour l’une des mers les plus polluées de la planète. De nombreuses associations tentent quotidiennement d’endiguer la pollution, jugeant que les autorités traînent des pieds. C’est pourquoi souvent des opérations de dépollution sont organisées en mer, mais malheureusement pas dans le canal de Suez, bien trop étroit et fréquenté pour qu’il soit fermé le temps d’un nettoyage. On ne sait d’ailleurs pas comment l’Égypte a officiellement géré l’incident du Grigoroussa 1 lorsqu’il a perdu des tonnes de pétrole. Les autorités ont appliqué la politique de l’autruche, au grand dam des écologistes alarmés par cette catastrophe.
Bien que de nombreuses stratégies environnementales soient en vigueur, l’impact écologique depuis la fin du 19ème siècle est considérable. Pour l’heure, à part tenter de réduire la pollution sur les navires eux-mêmes, il est très difficile de réduire les passages et de se dispenser, même temporairement, de cet outil.
Vous l’aurez compris, le canal de Suez est non seulement un ouvrage colossal et très ancien, mais il est aussi une source majeure d'intérêt commercial et politique. Une très grande partie de nos approvisionnements en biens de consommation courante passent par ce canal. De tous temps il a suscité les convoitises et, si aujourd’hui l'intérêt commercial prévaut sur le reste, il convient de rappeler que ce canal se situe au cœur d’une zone de tension qui peut à tout moment être paralysée.