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Les nouvelles routes de la soie : une alternative au commerce maritime venant de Chine ?

L’inflexion de la stratégie géoéconomique chinoise

La vision stratégique d’affirmation de la puissance chinoise impulsée par le président Xi Jinping s’inscrit dans une triple ambition de rééquilibrage : des niveaux de développement des régions internes au pays, des facteurs de croissance économique et de prédominance géopolitique régionale asiatique (voire plus…)

Cette stratégie repose pour partie sur la mise en place du projet « One Belt, One Road », traduit en français par « les nouvelles routes de la soie », projet qui devrait aider à remédier à la situation de surcapacité industrielle du pays. D’une ampleur financière et géographique exceptionnelle, ces nouvelles routes de la soie visent à (ré)ouvrir des routes commerciales terrestres et maritimes reliant l’Asie à l’Europe en parcourant le continent euro-asiatique afin de créer de nouvelles opportunités de marché grâce au désenclavement des territoires traversés.

Ses motivations sont de trois ordres : économique, en offrant des débouchés aux surcapacités industrielles nationales ; politique, en favorisant un réaménagement économique du territoire chinois tout en améliorant l’image du pays par la mise en place d’un projet fédérateur et constructif ; géopolitique, par la sécurisation de ses approvisionnements en ressources naturelles et par une influence économique accrue sur les pays traversés.


La route de la soie : un concept très ancien

La notion d’un faisceau de routes terrestres et maritimes entre deux points géographiques servant à desservir plusieurs pays d’une ou plusieurs matières et produits n’est pas nouvelle. Ceci existe depuis le paléolithique selon de récentes découvertes archéologiques. La route de jade, qui devint ensuite la route de la soie, s’est grandement développée au cours du néolithique puis de l’Antiquité avant, peu à peu, de décliner pour de nombreuses raisons tant géopolitiques que climatiques.

Cette route fut abandonnée et fait surtout partie des livres d’histoire. Le transport maritime s’étant largement développé et présentant moins de risques, il est devenu le moyen d’échange privilégié sur les grands axes. La route de la soie a été néanmoins, tout comme la route des épices, une solution d’échanges préalable de la mondialisation contemporaine.

Le transport maritime constitue depuis longtemps maintenant le moyen de transport utilisé majoritairement sur les grands axes. Les transports routier, ferroviaire et fluvial font essentiellement office de pré et post acheminement en parallèle du débarquement et de l’embarquement des navires, si l’on fait bien sûr abstraction des échanges nationaux et entre pays limitrophes.

Depuis ces dernières années, avec la très nette augmentation des volumes d’échanges internationaux, on assiste à une saturation au niveau mondial du trafic maritime. Les navires sont de plus en plus gros, les structures portuaires peinent à s’adapter à un rythme équivalent, la piraterie se développe et les taux de fret sont de plus en plus élevés. Le modèle économique arrive à tel point qu’il est en train de s’engorger et la crise sanitaire n’a fait qu’amplifier le phénomène. La pénurie de containers, l’augmentation des cours de matières, les retards cumulés (y compris ceux générés par l’incident du M/V EVER GIVEN) n’ont fait que mettre en surbrillance la nécessité urgente de solutions alternatives et efficaces.

Cependant, cela fait déjà quelque temps qu’un moyen potentiel de contourner ces nouvelles lourdeurs et autres goulets d’étranglement du transport maritime est sortie des cartons : les nouvelles routes de la soie.


Route de la soie au 1er siècle / Source : Wikipedia


La création des nouvelles routes de la soie

Tout comme leur prédécesseur historique, il s’agit d’un ensemble de liaisons maritimes et ferroviaires entre la Chine et l’Europe. Cette initiative est un acte politique de la Chine, qui, comme nous l’avons vu en préambule de cet article, est soucieuse de maintenir sa position dominante et souhaite faciliter les échanges eurasiens et Asie-Afrique.

En parallèle des routes maritimes existantes, les principaux vecteurs de ces nouvelles routes sont attachés à des axes ferroviaires et routiers. Dévoilé en 2013, ce projet pharaonique englobe 68 pays à travers le monde. Ces routes seront constituées, à terme, de six corridors qui mèneront sur diverses parties de l’Europe ainsi que sur l’Afrique de l’Est.

Officialisée en 2015, dans un climat géopolitique tendu entre la Chine et les USA, cette nouvelle infrastructure d’échanges intermodaux a pour vocation d’être un véritable projet évolutif qui deviendra un nouveau cadre de référence pour la mondialisation. Les Américains voient d’un très mauvais œil ce projet et fustigent les pays qui s’y associent, comme ce fut le cas de l’Italie en 2019 par exemple.

Ces nouvelles voies de transit de flux commerciaux ont plusieurs avantages non négligeables. Tout d’abord ils permettent une solution alternative efficace au trafic maritime en cas de blocage, comme avec Suez, de conflit sur l’axe d’un trafic, etc. Ensuite, le passage par la terre permet également d’éviter les actes de pirateries en mer qui sont monnaies courantes sur le détroit d’Ormuz, le golfe d'Aden ou encore le détroit de Malacca. Ces voies permettent en ce sens de sécuriser les approvisionnements.

Nouvelle route de la soie / Source : Courrier International


Il est à souligner que si l’on parle beaucoup d’export avec la Chine qui est qualifiée un peu comme l’usine du monde, celle-ci a besoin d’importer en grande quantité et de manière sécurisée, que ce soit du pétrole et du gaz depuis le Moyen Orient et la Russie ou des matières premières en provenance d’Afrique par exemple.

Malgré un contexte géopolitique tendu avec la Chine, les entreprises veulent faire fi de cela pour se focaliser sur leurs propres intérêts. C’est un défi de taille qui attend les pays partenaires car il s’agit là de créer un réseau d’infrastructures routières et maritimes adapté à un nouveau paysage de la mondialisation qui se dessine. Si les infrastructures maritimes existent déjà pour la plupart, la plus grosse partie des aménagements se fera sur la partie ferroviaire et routière. Ce chantier colossal (incluant aussi des chantiers de constructions d’infrastructures sur des axes africains pour fluidifier les échanges au maximum) permettra à terme de concurrencer le fret maritime à la fois sur le plan sécuritaire, mais également sur le transit time.

Pour acheminer des marchandises de Shanghai à Rotterdam, par la mer, via le canal de Suez, en temps normal il faut compter environ 1 mois. En train, actuellement il ne faut que 3 semaines et 15 jours en camion et ce, sur un réseau qui n’est pas encore développé comme le voudrait le projet africano-eurasien. Ce projet vise à améliorer les infrastructures mais aussi à harmoniser les législations, entraînant ainsi, s’il aboutit, une division par deux de la durée des trajets actuels par voie maritime.

La Chine éprouve un très grand intérêt à mener à bien ce projet. Elle pourra ainsi, comme nous le disions précédemment, rééquilibrer son marché intérieur, asseoir sa domination commerciale en Asie et en Europe, mais aussi s’imposer sur de nouveaux marchés sur lesquels elle a commencé à se positionner fortement, comme en Afrique par exemple.

Ce projet est bien entendu vu d’un très mauvais œil par les puissances régionales concurrentes tels le Japon, les USA ou encore l’Inde. Ces 3 pays voient en la Chine une menace économique de par sa domination assumée. Les détracteurs reprochent notamment au géant asiatique de bafouer les droits de l’homme en toute impunité pour réaliser coûte que coûte son projet. De fait, des contre-projets sont envisagés par le Japon et l’Inde par exemple pour proposer des axes d’échanges maritimes, cette fois, plus fluide, plus rapide et sécurisés sur certaines parties de l’Europe et de l’Afrique.

Nous assistons donc probablement en ce moment même aux prémices d’une véritable révolution logistique qui pourrait permettre à la Chine de conserver son statut de leader, d’accentuer sa domination en matière d’échanges commerciaux et, ce, alors que dans le même temps de plus en plus de pays et de firmes disent souhaiter diminuer leur dépendance face au géant asiatique… nous en reparlerons.


Source : Flickr / Rifat's Photography

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