Les navires bientôt à court de carburant ?
Le coût de l’énergie (entre autres) a augmenté de manière importante depuis le début du conflit opposant la Russie à l’Ukraine. Le carburant est une des principales composantes entrant dans la structure des coûts des compagnies maritimes. Dans les dépenses d’exploitation sa part peut atteindre 40% et jusqu’à 60 % pour les plus grands navires.
Si le négoce de pétrole avec la Russie n'est pour l'instant pas soumis aux sanctions, certaines banques russes se sont vu interdire l'accès au système de paiement international SWIFT. Face à l’instabilité géopolitique, les négociants en pétrole ont ralenti drastiquement leurs achats de pétrole russe.
Avitailler s’avère difficile
L’économie mondiale est globalement dépendante des hydrocarbures russes. L’Europe dépend à 40% du gaz russe et à 27% de son pétrole. Se priver de cette ressource nécessite, en plus d’une sobriété énergétique que nous sommes guère encore disposés à envisager sérieusement, de diversifier nos sources d’approvisionnement. Un brusque changement de sourcing appelé à générer de la tension sur les marchés.
Pour ce qui concerne l’industrie maritime, la potentielle flambée des prix du pétrole est généralement retranscrite dans l’offre tarifaire par l’application d’une taxe spécifique, le BAF (bunker adjustment factor), indexée sur le cours du baril de pétrole. L’enjeu pour les compagnies se situe au niveau des éventuelles pénuries qui pourraient empêcher les navires de s’avitailler correctement et engendrer ainsi des ralentissement dans les rotations maritimes. Actuellement, Singapour, qui est la place forte mondiale d’avitaillement des navires, dispose de délais de livraison plus élevés que d’habitude, grimpant parfois jusqu’à 7 jours.
Créer une nouvelle concurrence et stimuler le marché
Pour éviter une dépendance à des sites de soutage déjà surchargés, de nouvelles infrastructures de soutage ont été créées, comme en Arabie Saoudite ou encore en Egypte sur le canal de Suez où des licences d’avitaillement ont été délivrées à plusieurs sociétés.
Ces nouvelles infrastructures ravissent les armateurs qui y voient une stimulation de marché permettant d'atténuer la flambée du prix des carburants. Seul bémol, si les tarifs tendent à baisser, certaines zones comme la Chine qui proposent des coûts plus abordables sont frappées par les restrictions imposées par les nouvelles vagues de la COVID-19, générant un ralentissement des rotations sur ces infrastructures. Les armateurs évitent alors de s’y rendre par crainte de voir leurs navires bloqués par un nouveau confinement général. Très récemment encore la nouvelle vague de COVID-19 en Chine a touché plusieurs grandes villes où le confinement des populations et le ralentissement de l’activité économique a été manifeste. On a alors pu constater que les soutages ont été suspendus dans des ports comme ceux de Nantong, Xiamen ou encore Qingdao.
En parallèle de ces restrictions sanitaires asiatiques, d’autres zones souffrent d’un problème différent pour leurs approvisionnements en hydrocarbures : les congestions logistiques. C’est le cas notamment des États-Unis qui font encore et toujours face à des blocages liés à une demande très forte adossée à des infrastructures vieillissantes et qui alimentent les retards (depuis très récemment la côte ouest des USA tend à se débloquer quand la côte est se paralyse). En Europe, de nombreux ports du Nord sont alimentés par des ressources russes. C’est par exemple le cas de Hambourg qui est directement relié à la Russie et qui voit ses délais d’approvisionnement s’allonger. Pour les ports méditerranéens ce sont les conditions météorologiques qui rendent difficile l’approvisionnement par barges.
Selon l’agence de notation Moody’s, « le conflit Russie-Ukraine aura un impact sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. Les stocks et les réserves peuvent contribuer à atténuer les perturbations à court terme de la chaîne d'approvisionnement, mais les pénuries seront inévitables si le conflit persiste. Le secteur des transports sera touché de plein fouet, car il présente la plus forte intensité énergétique de toutes les grandes industries. Or, le transport et la logistique sont essentiels à un large éventail d'industries qui dépendent d'intrants provenant de nombreuses régions du monde. Aussi, si l'extraction de l'énergie se situe en amont, et le fret et le transport en aval, l'impact du conflit militaire se fera également sentir dans les industries situées en aval, où le pétrole et le gaz sont raffinés et utilisés pour fabriquer du caoutchouc, des conservateurs, des plastiques, des conteneurs et de nombreux autres produits essentiels aux secteur agricole et médical. »