Le dilemme des batteries électriques pour le transport maritime
Autrefois anecdotiques, les véhicules électriques sont devenus monnaie courante sur la route. Avec les prises de consciences écologiques et aussi et surtout la démocratisation de l’électrique suite à l’arrivée de Tesla sur le marché automobile, les constructeurs ont rapidement pris le pli en proposant à leur tour des alternatives électriques et hybrides dans leurs gammes, au point d’abandonner certaines motorisations comme le diesel.
Il faut dire que l’électrique a ses avantages : moins polluant, silencieux, plus léger, plus simple à réparer, tout est axé sur l’aspect “économique” et écologique, bien que les véhicules électriques ont aussi leurs désavantages d’un point de vue écologique notamment (gourmands en matériaux, difficulté à recycler, etc…). Autre point négatif, l’alimentation par le biais de batteries au lithium qui constitue un véritable risque lors des transports.
Souvenez-vous il y a quelques années, une célèbre marque de téléphone s’est retrouvée dans la tourmente après qu’un de ses derniers modèles présentant un défaut de batterie a failli provoquer un crash d’avion. Un incident qui aura valu un véritable “bad buzz” à l’époque au point où le modèle était cité comme “persona non grata” dans les directives énoncées par le pilote lors des opérations de décollage des vols commerciaux. Aujourd’hui, il est d’ailleurs interdit de mettre en soute une batterie au lithium. On peut, en revanche, en avoir sur soi en cabine.
Cette interdiction en soute n’est pas anodine et, en ce qui concerne le transport maritime, les dangers sont identiques. Fin juillet, le Fremantle Highway prend feu au large des côtes néerlandaises. Ce porte-voitures d’une capacité de 6 210 CEU (Car Equivalent Unit) transportait ce jour-là 3 800 véhicules, dont près de 500 alimentés à l’électricité et disposant donc de batteries au lithium et au cobalte. L’incendie fait 1 mort et 16 blessés parmi l’équipage totalisant 23 personnes. Les batteries électriques ont rapidement été mises en cause. La perte économique, sans parler des conséquences écologiques désastreuses, a été de 400 M$ et on estime que le Fremantle Highway a une cargaison valorisée de près de 300 M$.
Le Fremantle Highway n’est pas un cas isolé, depuis quelques années les incendies se multiplient sur les rouliers. Citons notamment le Felicity Ace avec ses 3 965 véhicules, dont 400 électriques chargés en quasi-totalité, qui a sombré au large des Açores après avoir brûlé durant près de deux semaines.
Bien entendu, les assureurs deviennent de plus en plus frileux avec le transport de ce type de véhicules.
Sur les véhicules thermiques, déjà, la consigne est de débrancher la batterie des véhicules quand ils sont mis en container et, ce, depuis des années. L’électrique progressant peu à peu pour supplanter le thermique à horizon 2030, les assureurs ont redoublé d’efforts pour se perfectionner sur le sujet et émettre leurs premières recommandations.
A ce jour, les assureurs ont dénombré 4 grands risques : l’incendie (les batteries lithium contiennent un liquide inflammable : l’électrolyte), l’explosion, l'emballement thermique (un auto-échauffement provoquant une explosion) et enfin la toxicité. Bien que le transport de ces batteries soit soumis à d’importantes normes de sécurité, les causes des avaries restent diverses et variées.
Il n’est pas rare que certains incidents soient issus de pièces détachées, tels que les accumulateurs, qui sont soit non conformes, soit endommagés. Ces accumulateurs présentent d’ailleurs un risque d’autant plus important lorsque le véhicule est mis en container car, bien souvent, les déclarations sont mal effectuées et les containers ne sont pas disposés selon les règles de prévention. Ces règles permettent aux navires de ne pas mettre à proximité des conteneurs dont les marchandises contenues peuvent provoquer une réaction en chaîne en cas d’incendie. Quand les véhicules ne sont pas en container, le risque reste grand car les espaces de stockage ne sont pas séparés, l’intérieur dispose de beaucoup d'oxygène et le feu peut ainsi rapidement s’amplifier.
Si les nouvelles générations de véhicules électriques disposent de certaines sécurités pour éviter les avaries, bon nombre de véhicules des précédentes générations continuent de circuler et présentent des dangers majeurs pour les navires. Les navires rouliers et voituriers n’ont pas su s’adapter aux nouveaux véhicules et les risques d’incendies accrus. Bien que les configurations de ces deux types de navires soient différentes, ils présentent tous deux la même difficulté : l’accès aux secours insuffisant. Ce qui explique pourquoi, bien souvent, ces navires brûlent longtemps et sombrent lors d’incendies à bord.
L’IUMI (Union Internationale de l’Assurance Maritime) a proposé un certain nombre de recommandations pour lutter contre les incendies de ce type et surtout les éviter. On peut citer une surveillance vidéo accrue, des caméras thermiques ou encore une étroite surveillance des cargaisons. Gageons que ces recommandations de bon sens seront appliquées pour permettre d’anticiper les risques à venir et éviter ainsi des désastres écologiques.
Il n’en est pas moins que le contrôle des cargaisons ne résout pas tout : le transport de batteries en containers présente lui aussi un risque et c’est là le défi qu’il va falloir aussi relever, à savoir d’éventuels aménagements dans les containers pour sécuriser le transport des batteries au lithium comme on sécurise certains containers dans le cadre du transport de produits chimiques ou radioactifs.