L’histoire du container
Vous les voyez sur la mer, sur les trains, sur les camions lorsque vous roulez, les containers sont littéralement partout, même dans les endroits les plus reculés. Mais est-ce que vous connaissez l’histoire de cette boite qui se déplace et s’empile partout dans le monde et qui achemine une grande majorité des biens que vous possédez? Non? Alors remontons le temps pour aller directement au début du XXème siècle.
L’oeuvre d’un visionnaire
Le container provient tout droit des Etats Unis, c’est une idée d’un homme nommé Malcolm McLean, entrepreneur visionnaire né en Caroline du Nord en 1913.
Rien ne le destinait au départ à devenir l’inventeur du container. En effet, il était gérant de station service, un emploi à mille lieues de la logistique mondiale dont il est l’un des pionniers.
Un jour, McLean s’accroche avec l’un de ses fournisseurs quand celui-ci lui demande 5$ pour du carburant, et, étant une personne très portée sur le rendement, décide de ne plus se laisser avoir. Il achète un vieux camion et va lui même récupérer son carburant.
Sorti galvanisé par cette aventure il va fonder une société de transport. McLean n’a que 22 ans et nous sommes en 1935. Sa société va connaître une activité florissante et deviendra l’une des premières sociétés du secteur US.
En 1953, le transport a beaucoup évolué, et McLean constate avec un certain agacement que les autoroutes côtières sont de moins en moins fluides. Le monde évolue, le flux de marchandises aussi et McLean, toujours dans sa logique du rendement, cherche une solution pour ne pas faire perdre de temps à ses transports.
Il a l’idée alors de contourner par la voie maritime les autoroutes bondées, et, pour parvenir à ses fins, ne pouvant cumuler, selon la loi, deux sociétés de transport différentes, il vend sa société de transport routier (avec une flotte d’environ 2 000 camions, ce qui est très important à l’époque) et va acheter ainsi deux navires pétroliers d’occasion et prendre le contrôle de la compagnie maritime Pan Atlantic. Pendant 2 ans il va effectuer des modifications sur ses navires afin qu’ils puissent accueillir des caisses de transport.
Notre ami McLean part sur une idée simple : si l’on charge les marchandises dans une caisse dédiée, ou groupées, cela évite une maintenance lourde, coûteuse et parfois dangereuse, qui en plus est sujette à des avaries pendant les diverses manipulations du transport. Si tout est chargé en amont, il ne reste plus qu’à poser les boites sur les navires et partir. En 1956, 58 caisses seront chargées sur la Côte Est pour atteindre Houston 5 jours plus tard.
Des débuts difficiles
Les fameuses caisses que nous évoquions ne sont pas nouvelles, elles étaient notamment utilisées dans le transport ferroviaire, mais aucune standardisation n’existe encore, et elles sont peu utilisées faute de volume. Des tentatives de contournement maritimes avaient été tentés aussi en mettant directement des camions sur les navires, mais cela engendre trop de bouchons et de temps perdu, et l’idée fut très vite abandonnée.
Il était plus simple de charger en vrac sur les ports, et cela permettait aux gens de gagner de l’argent en proposant leur main d’oeuvre. Pourtant, force est de constater que ce système n’est pas ce qu’il y a de mieux pour les marchandises : il y a des risques de vols, de pertes, d’accidents, de fait de nouvelles formes d’organisation s’imposent avec l’augmentation des volumes et le changement s’avère inévitable avec l’évolution de l’industrie et du marché mondial.
L’idée de McLean a du succès. Il va commencer à s’internationaliser pour rallier Porto Rico. Une compagnie concurrente Californienne, va elle aussi utiliser les méthodes de McLean, en y ajoutant quelques innovations par rapport à la manutention, avec par exemple des grues adaptées pour optimiser le chargement et le déchargement.
Au moment où la Pan Atlantic commence à développer ses méthodes, celles-ci sont très mal vues par le milieu portuaire, notamment les dockers qui voient en cette évolution un danger pour leurs emplois. Vont s’enchaîner des grèves multiples initiées par les syndicats. Les innovations ont du mal à prendre, la standardisation dans les années 60 a encore un peu de chemin à faire pour pouvoir faire ses preuves. Qui plus est, les méthodes de McLean obligent les ports à investir pour la manutention, et ceux-ci ont du mal à mettre la main au portefeuille. Mais notre entrepreneur visionnaire ne se décourage pas.
La guerre froide ainsi que la guerre du Viet Nam auront raison de tous les obstacles. L’armée voit dans la méthode de McLean, quelque chose de très intéressant et parfait pour optimiser leur logistique de déploiement et de ravitaillement des troupes à l’étranger. La compagnie Pan Atlantic sera utilisée par l’armée américaine et cela déclenche la standardisation et les investissements sur les ports américains et européens, ce qui aura un effet domino : peu à peu tous les autres ports devront s’adapter à ce nouveau mode de fonctionnement.
Le container fait ses preuves : les coûts de manutention baissent de 70%, la perte de certains emplois est compensée par la création de nouveaux pour mettre en place, opérer, entretenir, etc. les nouvelles machines et innovations. L’avantage également, est de permettre aux entreprises de quitter les ports maritimes pour s’installer dans des zones où les terrains sont plus abordables. Maintenant il suffit de charger dans le container et amener tout en camion au port, ce qui fait gagner un temps précieux, et qui plus est, sécurise la marchandise.
Le container va s’étendre très vite sur le marché mondial, de nombreux ports vont investir, certains vont subir des crises faute de moyens, et d’autres vont se créer. Mais le monde entier ne va jurer que par le container, l’œuvre de McLean lui échappe finalement, rançon du succès oblige.
Un des navires de la Pan Atlantic
Un entrepreneur infatiguable
En 1969 il revend sa compagnie maritime au groupe américain Reynold’s Tobacco Company, tout en restant au conseil d’administration avant de s’en retirer en 1977. Il rachètera la compagnie United States Lines qui fera malheureusement faillite en 1987. Ne se décourageant pas, il fondera la Trailer Bridge Inc, qui existe encore à ce jour, opérant entre les USA et Porto Rico, une sorte de retour aux sources quand on songe à ses débuts dans le maritime.
Malcolm s’éteindra en 2001 à l'âge de 88 ans. Le jour de sa mort, tous les pavillons des porte containers ont été abaissés pour lui rendre hommage. Sa compagnie, Pan Atlantic, renommée Sea Land fut rachetée en 1999 par Maersk, le premier armateur mondial.
Le père du container a réussi le tour de force de standardiser le transport mondial. Son idée a bien entendu évoluée et les containers qui sillonnent les mers de nos jours sont bien différents de ceux des années 60. Mais le principe lui, n’a pas évolué et, le plus impressionnant est de se dire que, grâce à cette invention, le monde a franchi un cap, accélérant sa mondialisation, pour le meilleur comme pour le pire…
Mc Lean devant son oeuvre