L’épopée Maersk
Durant l’été, nous allons vous faire découvrir les plus gros armateurs mondiaux à travers une série d’articles retraçant l’histoire de chacune de ces compagnies maritimes qui sillonnent les mers du globe. Pour ce premier épisode, nous avons décidé de jeter notre dévolu sur le Danois AP Moller - Maersk, le très longtemps premier armateur mondial.
Naissance d’un géant des mers
Tout commence au début du 20eme siècle, en 1904 à Svendborg, ville dans laquelle le capitaine Peter Maersk Moller (1836-1927) et son fils Arnold Peter Moller (1876-1965) fondent ce qui s’appelle alors la Steamship Company Svendborg. La compagnie se dote d’un premier navire à vapeur, le Svendborg, mais aussi le SS Laura acquis en 1886 par Peter, avant que celui-ci ne décide de créer sa propre compagnie.
Les années passent et la compagnie croît de façon exponentielle à mesure que les routes maritimes se multiplient. Le commerce est florissant et la compagnie danoise construit son propre chantier naval en 1918 près de la ville d’Odense et livre son premier navire en mai 1920, le Robert Maersk. L’année suivante, le chantier naval livrera le tout premier navire diesel de la compagnie, le Leise Maersk.
Très vite la compagnie développe ses routes maritimes. En 1928 l’armateur parcourt la route transpacifique Extrême Orient - Côte Ouest des États Unis et, via le canal de Panama, rejoint Baltimore.
L’énergie fossile devenant de plus en plus prisée, l’armateur s’équipe de 5 navires tankers en 1926 avant de commander, 2 ans plus tard, son premier pétrolier et de construire lui-même le suivant la même année. En 1936, la société obtient de son chantier d'Odense son tout premier navire frigorifique. A l’aube de la seconde guerre mondiale, Maersk est la seconde compagnie maritime du Danemark avec une flotte de 46 navires. Mais la guerre qui se profile va amener son lot de difficultés à l’armateur.
La seconde guerre mondiale et son impact
La guerre éclate et le groupe délivre le 8 avril 1940 ce qu’on appelle l'Instruction Spéciale Permanente numéro un à ses 36 navires en haute mer. Cette instruction stipule que si le Danemark est impliqué dans le conflit mondial, alors tous les navires devront se présenter directement au bureau de New York recevoir leurs instructions. Le lendemain de la délivrance de cette instruction, l’Allemagne envahit la Norvège et le Danemark, lesquels se rendent le jour même. Quelques jours plus tard, Maersk Mc-Kinney Moller, fils de Arnold Peter Moller, devient associé majoritaire et fuit avec son épouse pour diriger depuis New York le groupe familial.
L’entrée en guerre des Etats Unis suite à l’attaque de Pearl Harbor est un tournant pour l’armateur qui se voit réquisitionné toute sa flotte par l’armée américaine, c’est ainsi que tous les navires du groupe officieront dans l’US Navy durant tout le conflit avec une perte d’environ 50% de la flotte de la compagnie Danoise.
En 1930, le groupe Danois avait pris des participations dans la société d’armement Riffelsyndikatet, jusqu’à en devenir le premier actionnaire. Mais avec la guerre et l’invasion allemande qui utilise cette fameuse société, de nombreux sabotages de la résistance ont lieu et font cesser la production de l’usine, occasionnant des pertes conséquentes pour le groupe.
L’après guerre
L’armateur a perdu énormément de navires durant le conflit mondial. 14 de ses navires sont sous contrôle américain, ne lui laissant plus que 7 navires en 1945. La même année, le Danemark vote ce que l’on nomme les lois collaborationnistes, exigeant que les bénéfices réalisés par les entreprises ayant traité avec l’Allemagne durant l’occupation soient reversés à l'État. Le groupe possédant son fameux chantier naval, l’usine d’armement citée plus haut et d’autres sociétés industrielles diverses, devra ainsi payer une amende de 10 millions de couronnes danoises, ce qui correspond à ce jour à presque 197 millions d’euros. Un record !
Malgré cette amende, le groupe tient bon et lance un vaste programme de construction navale entre 1947 et 1948 en sollicitant des chantiers navals en Suède, au Danemark, aux Pays bas, en Italie, en Belgique et même au Japon. Dans la foulée, le groupe rachète plusieurs navires de guerre américains qui étaient à la vente.
En 1953, Maersk a su reconstituer une flotte de la même taille qu’avant la seconde guerre mondiale. La société est désormais en pleine croissance et, en 1959, elle ouvre son nouveau chantier, le Odense Lindo, qui construit de nombreux pétroliers. La société investit dans tout ce qui concerne le pétrole, y voyant un potentiel que beaucoup négligent encore à l’époque. C’est ainsi qu’en 1962 le gouvernement danois octroie une licence de recherche de pétrole dans la partie danoise de la Mer du Nord. Pour l’occasion, la société Maersk Olie og Gas A/S est créée.
Maersk continue la production de pétroliers ainsi que de méthaniers, voyant toujours le secteur de l’énergie comme un filon à exploiter. Le groupe produira d’ailleurs le pétrolier à turbine nommé Régina Maersk, plus gros navire d’Europe à son époque. En parallèle, la société crée sa première compagnie aérienne : Maersk Air.
L’ère du container
Les années 70 sonneront le départ de la course aux porte-conteneurs. Le Svendborg Maersk, d’une capacité de 1 800 EVP est construit au Japon en 1973 et, fin 1976, 9 autres navires du même type s’ajoutent à la flotte du groupe pour une utilisation dans le service transpacifique.
Au début des années 80, la société continue d’augmenter sa flotte en ajoutant 6 porte-conteneurs Roro tout en ouvrant des lignes, en particulier sur la route Europe-Extrême Orient. Cet engouement pour les containers pousse l’armateur à lancer en 1988 un service transatlantique et une usine de containers au Danemark tout en poursuivant la construction de nouveaux navires, dont le Marchen Maesk considéré à l’époque comme le plus grand porte conteneurs du monde avec ses 4300 EVP.
Les années 90 marquent le début d’une course au gigantisme. En 1993 Maersk acquiert Eacben Container Line Ltd. et ses 9 portes conteneurs, devenant ainsi la plus grande ligne de conteneurs du monde. En 1995, de nouveaux porte containers sont livrés au groupe dont le Régina Maersk, devenant à son tour le plus gros porte containers du monde avec ses 6 000 EVP mais ce ne sera que de courte durée puisque le Sovereign Maersk le coiffe au poteau avec ses 8 000 EVP.
Dans une logique de croissance, la société familiale rachète le chantier naval allemand Volkswerft qu’il modernise pour produire de nombreux containers et navires de ravitaillement et de pose de câbles. C’est alors qu’en 1999 la famille danoise rachète l’historique transporteur de conteneurs Sea-Land Corporation et ses 70 navires, ses terminaux et ses services de ligne. Le groupe se nomme désormais Maersk Sealand.
Au début des années 2000 la société continue de procéder à des fusions acquisitions en rachetant à tour de bras de nombreuses entreprises comme la société de sauvetage Smit-Wijsmuller ou encore la compagnie danoise Dampskibsselskabet TORM, gagnant ainsi en puissance sur ses concurrents, et n’oubliant pas de produire de nouveaux navires toujours plus gros comme le Axel Maersk et ses cinq navires jumeaux entre 2003 et 2004 qui ont un capacitif de 7226 EVP.
Achats en série
Dès 2005, après avoir absorbé un nombre important de sociétés, le géant danois ne s'arrête pas en si bon chemin et procède au rachat de son rival P&O Nedloyd. La raison est simple, la demande augmente, l’arrivée d’internet à haut débit et donc des sites marchands accroît considérablement la demande de produits manufacturés, nécessitant toujours plus de capacités de transport. Or, construire des navires prend du temps et, ça, l’entreprise familiale l’a bien compris lorsqu’elle décide de racheter des compagnies concurrentes pour utiliser leur flotte existante afin de se positionner rapidement face à la demande. Une stratégie rondement menée qui permet au groupe d’augmenter ses capacités de fret de près d’un tiers. En juin 2005 on estime à 550 le nombre de navires sous le giron du groupe danois avec en août 2005 l’ajout de 162 navires porte-conteneurs après la finalisation de l’achat de Royal P&O Nedlloyd NV.
Un leader mondial détrôné
Après des décennies de suprématie sur le transport maritime containerisé, en 2022 Maersk perd sa position de premier armateur au profit de Mediterranean Shipping Company, MSC, dont nous vous détaillerons la biographie lors d’un prochain article.