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Le démantèlement des navires

Vous vous êtes sans doute demandé comment des navires aussi immenses que les paquebots et les porte-conteneurs sont recyclés lorsqu’ils arrivent en fin de vie.

Les navires sont devenus de plus en plus gros au fils des décennies. Il n’y a qu’à comparer le Titanic, géant des mers de son époque, et un paquebot actuel pour constater que le navire de la White Star Line paraitrait ridicule aujourd’hui comparé à un navire tel que le Wonder of the Seas.

En fin de vie, de telles structures ne se jettent pas à la poubelle ou dans une déchetterie. C’est un véritable démantèlement qui dure des mois qui doit être mis en place. Un chantier où les matières sont recyclées au maximum. A ce jour, on compte des chantiers de démantèlement naval un peu partout dans le monde. Mais ceux-ci, selon leur emplacement, peuvent être très différents les uns des autres et, malheureusement, pas toujours pour le meilleur.


Comment se déroule un démantèlement de navire ?

Cette activité ne date pas d’hier. On a déjà retrouvé des traces archéologiques de chantiers de ce type dans plusieurs régions du monde. Cependant, la matière principale de ces navires était le bois, autrement dit une matière recyclable ou jetable et seuls certains métaux tels que le cuivre étaient récupérés. Bien entendu, les navires étaient plus petits et les chantiers moins gros. Ce n’est qu’au 19ème siècle que les premiers navires de guerre, en métal, ont commencé à se multiplier et que la problématique des chantiers actuels est apparue.

Aujourd’hui le process de fin de vie d’un navire est le suivant : il est vendu à un démolisseur qui l’envoie sur son futur chantier de démantèlement. Pour ce faire, le navire est remorqué, afin d’économiser en personnel naviguant, et il est échoué volontairement, lancé à toute vitesse sur une plage à marée haute. Bien entendu, les chantiers ne sont pas situés sur des plages ordinaires : il faut des plages ayant une très faible pente et ne présentant aucun obstacle comme des rochers par exemple.

Une fois le navire échoué et sécurisé, le démantèlement commence. L’accastillage, la décoration et les meubles, ainsi que les pièces d’équipements partent en premier, de même que les boiseries qui resservent en général pour de la décoration. Viennent ensuite les superstructures qui sont petit à petit récupérées.


Il existe 3 types de chantiers

Les chantiers de démantèlement ne sont pas tous logés à la même enseigne. On distingue 3 grands modèles industriels de chantier.

Le premier est ce qu’on pourrait appeler un chantier moderne dans la mesure où il est mécanisé et dispose d’une faible main-d'œuvre. Ces chantiers sont essentiellement situés en Europe. Ils sont soumis à des législations environnementales et sociales européennes et nationales relativement exigeantes.

Le second type de chantier est partiellement modernisé. Celui-ci dispose de quelques machines mais pas autant que le chantier précédemment cité. Ici la main-d'œuvre est plus abondante et surtout moins coûteuse. Bien que des normes sociales et environnementales existent, elles sont généralement peu appliquées et leur spectre reste faible en comparaison de celles appliquées en Europe par exemple. On trouve ces chantiers en Chine, en Turquie ou encore aux USA près de la frontière mexicaine où la main-d'œuvre provenant du Mexique est très utilisée.

Enfin, le troisième type de chantier est ce qu’on pourrait qualifier de faiblement modernisé. Souvent situé dans des pays pauvres, peu de machines y sont déployées et le plus gros du travail est réalisé par une main d'œuvre très nombreuse et faiblement rémunérée, dans un cadre législatif quasi inexistant et dans des conditions de travail bien souvent déplorables.

Chacun de ces 3 types de chantier accueille des navires différents :

  • Sur les chantiers modernisés on trouvera surtout des navires de petite taille et des navires militaires.
  • Sur les chantiers partiellement modernisés seront démantelés tous les types de navires, mais cela peut dépendre surtout de ce que refusent les chantiers faiblement modernisés.
  • Sur les chantiers faiblement modernisés se retrouveront surtout les grands navires commerciaux, dont la structure est simple à démanteler.

En général, sur les 2 premiers types de chantier le démantèlement est quasi similaire, incluant la dépollution et une attention à respecter les normes en vigueur. Toutefois les conditions de sécurité et les conditions sociales sont moins rigoureuses que dans les pays européens et leurs chantiers modernes.

En ce qui concerne les chantiers faiblement modernisés, situés dans les pays les plus pauvres, aucune dépollution n’est pratiquée. Tout le travail se fait quasi intégralement à la main, dans des conditions sanitaires et ou de sécurité faibles ou inexistantes. Les considérations sociales et écologiques sont absentes de ces chantiers.


La problématique des chantiers dans les pays du tiers monde

C’est un sujet grave, maintes fois abordé dans les médias, sans pour autant que soient apportés des changements majeurs : les conditions de travail des chantiers du tiers monde, les fameux chantiers faiblement modernisés cités précédemment.

Ces chantiers, comme dans beaucoup d’autres zones pauvres de la planète, sont très peu regardants sur les conditions de travail. Les navires les plus gros, et donc les plus coûteux à démanteler, sont envoyés là-bas essentiellement pour des raisons de budget. Le démantèlement des paquebots ou des porte-conteneurs peut coûter très cher, surtout si l’on a à cœur de respecter les contraintes écologiques et sociales.

Le fait de se retourner vers des pays aux PIB les plus faibles permet de réduire les coûts de main-d'œuvre et de traitement des déchets et, donc, de réduire le coût du démantèlement. Actuellement, le plus gros problème sur ces chantiers, ce sont les conditions de sécurité : ces chantiers sont des lieux dangereux où les morts sont monnaie courante. L’ONU qualifie d’ailleurs le métier d’ouvrier en démantèlement comme l’un des plus dangereux au monde compte tenu de son taux de mortalité record.

L’un des pays qui est évoqué le plus souvent pour ses chantiers de démantèlement honteux est le Bangladesh. Cité à de nombreuses reprises dans les coupures de presse, il n’a cependant pas le monopole des accidents mortels ou graves qui pourraient être largement évités. Parmi les accidents, tous sont liés à des problèmes de sécurité évidents. On peut parler des ouvriers tombés dans des cuves de réservoirs vides, d’autres qui ont été frappés par des câbles ou des pièces métalliques, ou encore ceux intoxiqués par des produits dangereux.

La plupart du temps ces chantiers sont sollicités pour des navires issus de très grosses compagnies maritimes de transport de marchandises ou de passagers. Tous les navires de cette envergure ne battent pas pavillon d’un État membre de l’UE pour des raisons diverses (souvent financières) mais aussi et surtout parce que le démantèlement de ces navires doit obligatoirement être soumis à des chantiers européens, donc plus coûteux, et aux normes strictes. Certains armateurs tels que Hapag Lloyd, pour des raisons éthiques, ont décidé de ne plus faire appel à ces chantiers faiblement modernisés.

On estime à ce jour que 4 navires sur 5 sont démantelés en Asie et en Inde. Un chiffre au taux record qui démontre bien la difficulté de faire appliquer les normes écologiques et sociales sur ce type de travaux. En effet, bien que européens, certains armateurs continuent à aller faire échouer leurs navires où bon leur semble et, forcément, c’est là où le coût est le plus avantageux que les choses s’opèrent.


Quelles mesures ?

Il n’existe pas de mesures concrètes tant le business est lucratif pour ceux qui possèdent les chantiers et tant il est difficile de réguler de telles pratiques. Imposer à des sociétés devenues internationales de battre pavillon européen tient de l’utopie.

Malgré tout, les Européens, les Américains, les Turcs et tous les chantiers pleinement modernisés ou partiellement modernisés remplissent des conditions environnementales et sociales correctes à l’égard du personnel et de l’écologie, bien que tout ne soit pas parfait. Toutefois, et comme dans toute industrie, c’est vers les zones où la main d'œuvre est la moins chère et la plus “docile” que l’on se tourne pour augmenter les profits.

Bien que des commissions d’enquête existent, la seule manière de vraiment lutter est d’afficher ces chantiers dangereux publiquement pour faire réagir les armateurs ne souhaitant pas être associés à des pratiques peu éthiques. Néanmoins, il reste toujours compliqué de faire plier de très grosses structures commerciales, souvent opaques, et il est également compliqué de priver un pays pauvre d’une grosse source de revenu.

Une réglementation internationale pourrait être mise en place à la condition de réunir un quorum suffisant. Or, pour de nombreuses raisons, qu’elles soient économiques, stratégiques ou encore géopolitiques, il est à ce jour compliqué de réunir une combinaison d’acteurs prêts à agir sur ces chantiers, ou tout du moins à agir pour les rendre moins dangereux. Les différents lobbies restent puissants et ne permettent pas aux personnes impliquées et désireuses de protéger les ouvriers d’être en capacité d’atteindre l’audience nécessaire.

Sans mise en lumière médiatique, une véritable réglementation internationale s’appliquant à ce type d’industries a peu de chances de voir le jour. Ce d’autant que 80% de ces chantiers sont situés dans des zones aux taux de PIB les plus bas…

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