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La piraterie moderne

Nous avons tous l’image fantaisiste du pirate de cinéma ou de roman, avec le bandeau sur l’œil, le juron facile et la jambe de bois, arpentant les Caraïbes sur un navire infesté de flibustiers sales et méchants : pure fiction !

La piraterie ne date pas d’hier. C’est une activité professionnelle très ancienne et qui perdure aujourd’hui mais sous de nouvelles formes. Si vous travaillez dans le fret maritime, vous avez sans doute pu voir passer sur les factures de vos armateurs une mention “taxe piraterie”. L’occasion pour nous d’aborder ce sujet plus en profondeur.


Petit rappel historique

Comme évoqué plus haut, la piraterie est un phénomène très ancien. Beaucoup pensent qu’elle date du XVIIIe siècle avec pirates des Caraïbes, mais on recense des actes de piraterie dès l’Antiquité.

Les pirates ont depuis toujours écumé les mers à la recherche de butins à s’approprier. Jules César fut lui-même attaqué et pris en otage contre une rançon. Il fut par la suite libéré et fit exécuter ses rançonneurs dans la foulée. De même, les Vikings, sur d’autres mers, étaient considérés au Moyen-Âge autant comme des pirates que comme des explorateurs.

C’est surtout dans les années 1660 que la piraterie connaît son âge d’or. Français, Hollandais et Anglais attaquent les navires de la couronne espagnole souvent remplis d’or. Le commerce se mondialise, l’Amérique est envahie par les Européens au sud comme au nord et les mers sont de plus en plus peuplées. C’est à cette époque que certains pirates sont mandatés par des États afin de voler les marchandises d’autres navires appartenant à des pays ennemis. On leur donne le nom de corsaires, considérés comme des pirates par le camp adverse mais pas par ceux qui les mandatent. Les corsaires répondent à des règles précises : ils ne doivent pas piller et tuer l’équipage, ils doivent s’emparer de la cargaison uniquement. Il n’est pas rare que certains pirates se fassent corsaires à l’occasion. Ce sont en quelque sorte des contrats de piraterie freelance !

Les pirates cohabitaient dans une sorte de démocratie au sein de leurs navires ; ils avaient des vies de famille ; leurs drapeaux n’étaient pas forcément noir avec une tête de mort et des tibias croisés. De nombreux ouvrages historiques reviennent sur l’image romanesque de la figure du pirate et démontrent qu’ils avaient des vies très différentes des clichés hollywoodiens. Cette image collective du pirate vient essentiellement de la littérature du XIXè siècle, notamment sous la plume de Robert Louis Stevenson en 1883 dans son roman célèbre L’île au trésor, ou encore avec Peter Pan et l’inoubliable Capitaine Crochet (Hook).

De nos jours la piraterie a bien évolué. Les corsaires n’existent plus, les pirates ont une autre façon de vivre, les zones de pirateries ne sont plus les mêmes. L’occasion de comprendre à quoi ressemble la piraterie moderne et comment les armateurs et les États réagissent face à ce phénomène.


La piraterie moderne

Si autrefois la piraterie était un mode de vie, certes assez dangereux mais codifié et parfois même contractualisé, la piraterie moderne a cassé de nombreux codes. De nos jours, les zones de pirateries se situent en Asie du sud, sur les côtes sud-américaines, au large de la Somalie, dans le Golfe de Guinée et dans celui d’Aden, ainsi que sur la Mer Rouge et une partie de la Mer des Caraïbes. Majoritairement, ces dernières années, les actes de piraterie ont souvent eu lieu sur les zones africaines. Selon les zones le profil du pirate diffère.

Le pirate moderne présente principalement deux typologies différentes : il y a celui qui agit en bande organisée pour subvenir aux besoins des siens face à une très grande pauvreté ; et celui qui agit aussi en bande organisée mais pour le compte d’une organisation criminelle. Jadis, les abordages visaient à piller la marchandise ; aujourd’hui il s’agit surtout pour voler les biens des équipages ainsi que l’argent du coffre fort des plus gros navires marchands. En effet, les marins partants pour plusieurs mois, leurs salaires sont souvent payés en espèces et stockés dans un coffre fort.

Généralement, les attaques se produisent la nuit, quand les navires sont au mouillage ou lorsqu’ils sont en haute mer. Depuis 2006, face à une hausse importante des actes de piraterie, les navires se sont dotés d’alarmes silencieuses dont les interrupteurs sont situés dans deux endroits cachés dans le navire (et placés aléatoirement dans chaque navire).

On distingue trois types de piraterie :

Le premier est porté majoritairement par de petits malfrats, souvent mal préparés. Il s’agit de petits larcins improvisés par des équipes peu équipées perpétrés par des personnes victimes de forte pauvreté qui essaient de subvenir à leurs besoins en commettant des vols. Malgré une impréparation totale, ces actes peuvent s’avérer très dangereux. Des cas d’assassinats ont eu lieu comme celui du célèbre navigateur Peter Blake mort pour une simple montre.

Le deuxième type de piraterie est beaucoup plus organisé mais tout aussi dangereux. Ce sont des groupes issus de mafias ou de triades que l’on retrouve majoritairement en Asie et plus modérément sur quelques côtes sud américaines. Ces pirates sont souvent équipés de hors-bords, d’outils informatiques et satellitaires pouvant même intercepter les communications radios des cibles visées.

Dernier grand type de piraterie est celui lié au terrorisme, comme ce fut le cas pour le USS Cole en 2000 où une embarcation remplie d’explosifs avait été lancée sur le navire, occasionnant la mort de 17 personnes et en blessant 42.Cette catégorie est néanmoins nuancée par les autorités qui n’y voient pas un acte de piraterie mais véritablement un acte terroriste en mer, la piraterie visant à voler quelque chose et non pas uniquement détruire une embarcation.


Comment se protéger des pirates ?

Les années 2000, avec leurs bouleversements technologiques et géopolitiques, ont fait augmenter les actes de piraterie, tant par des bandes organisées que par des bandes de malfrats attirées par la rapine plus que par le “hold-up”. De nombreuses zones à risque sont désormais protégées par les navires de guerre des pays proches qui se tiennent prêts à intervenir en cas d’attaque. Souvent les actes de piraterie sont opérés sur des goulets d’étranglements du transport maritime comme le détroit de Malacca déclassé en 2006 comme zone à risque, mais dont la situation a depuis changé. Les goulets facilitent les manœuvres d’abordage tandis que les navires attaqués ont beaucoup plus de difficultés à se mouvoir dans l’espace réduit compte tenu de leur taille.

Plusieurs États ont lancé conjointement des opérations visant à démanteler les groupes de pirates opérant sur certaines zones du globe en 2008. Ces opérations, sous mandat de l'ONU, ont permis de réduire les actes de piraterie mais, dès 2015, les actes ont repris en intensité, la faute à une géopolitique instable. En 2019 la piraterie a reculé, mais les actes ont quelque peu changé de nature : si naguère on pillait les biens des équipages, dorénavant il est beaucoup plus rentable de prendre en otage des marins et de réclamer une rançon.

En sus des alarmes et des opérations militaires, des sociétés privées proposent leurs services aux armateurs. La société Marine Risk, en 1990, fut l’une des premières à proposer des services de protection privée, tandis que les plateformes pétrolières ont mis en place de leur côté des bateaux armés pour assurer leur protection.

La piraterie fait partie du paysage des échanges maritimes mondiaux encore à ce jour, bien que le phénomène soit en baisse. Des passages dangereux subsistent et certains ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins. Les armateurs, conscients de la situation et ne pouvant compter exclusivement sur leurs systèmes d’alerte et sur les différentes actions des États, recourent donc à la protection de société privée. Ces frais supplémentaires de protection impactent le coût du transport qui inclue une taxe spéciale piraterie si le circuit de la cargaison passe par une zone à risque. Une taxe similaire existe d’ailleurs aussi pour les zones à risques de guerre, la WAR RISK.


Loin du folklore que nous connaissons d’Hollywood et des romans de notre enfance, la piraterie reste un fléau qui est aussi le reflet de la société dont font partie les pirates. Souvent issus de pays pauvres ou politiquement instables, la répression ne fait que les ralentir mais ne les dissuade pas. Faire cesser la piraterie, et donc la criminalité, reste un problème qui se résout sur terre et qui, de fait, n’est pas du ressort direct des armateurs ou des pays étrangers qui tentent de protéger les navires. Ne reste que la solution de dissuader et de se protéger du côté des équipages. Car dès qu’une zone est instable, la criminalité, quelle qu’elle soit, augmente et produit des actes de piraterie récurrents. La piraterie moderne, majoritairement issue de la pauvreté et de la famine, est un phénomène de société inhérent aux pays ou aux zones dont font partie ses auteurs. Elle ne pourra diminuer et ne cesser qu’avec l’amélioration des conditions de vie des populations des pays où sont commis ces actes.

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