Zoom sur la Chine : épisode 3 Evergrande, la chute d’un géant
Evergrande, ce nom ne vous évoque peut-être rien. Pourtant, c’est l’un des plus gros promoteurs immobiliers chinois. Un acteur très important et qui a récemment été placé en liquidation judiciaire avec un passif de dettes cumulé de près de 328 milliards de dollars, une somme record !
Un colosse aux pieds d’argile
Plus grand promoteur immobilier chinois, la firme n’a pas réussi à présenter un plan de restructuration plausible auprès du tribunal de Hong Kong. L’entreprise a accumulé énormément de dettes jusqu’à atteindre un point de non retour qui l’a poussé à la banqueroute, faisant de cette faillite un véritable symbole de la crise immobilière que traverse la Chine actuellement.
De nombreuses tentatives de négociations ont eu lieu mais le dialogue n’a pas abouti, laissant l’entreprise sombrer inexorablement, tout comme son action qui a dévissé de plus de 20% à la bourse hongkongaise.
Le groupe chinois est depuis 2021 dans la tourmente, jusqu’à ce dernier jugement qui le place définitivement en liquidation judiciaire. Un véritable choc pour la Chine qui voit là un énorme revers pour son économie basée en grande partie sur la construction, et qui ne peut plus cacher ses difficultés dans la conjoncture actuelle.
Quelles conséquences pour la Chine ?
Nous l’avions évoqué auparavant, le gouvernement chinois a laissé consacrer près du tiers de son PIB dans le secteur du BTP et de l’immobilier, là où les autres pays ne dépassent que rarement les 18%. Une stratégie qui a eu du succès au départ, en témoigne la fulgurante ascension de l’économie, mais qui maintenant atteint ses limites avec la baisse démographique et l’inflation.
Auparavant, les nouveaux logements construits étaient déjà payés par les propriétaires avant même qu’ils ne soient terminés et les promoteurs avaient très facilement accès au crédit pour démarrer de nouveaux chantiers. Ceci explique comment le paysage chinois a tellement changé en l’espace de deux décennies seulement. Le pouvoir en place a commencé à considérer comme dangereux un tel niveau d’endettement. Et a réagi fortement en serrant la vis sur les obtentions de crédit avec des conditions drastiques qui ont freiné tous ces groupes immobiliers surendettés, les poussant à la faute.
Ainsi, en renforçant les conditions d’accès aux crédits, le gouvernement a, sans en avoir l’intention, mis à mal tout son secteur immobilier.
Comment sauver les meubles ?
La Chine n’est pas restée les bras ballants à contempler son secteur immobilier s’écrouler comme un château de cartes. Elle a plusieurs fois engagé des mesures pour faire baisser le coût de l’immobilier et permettre une meilleure accessibilité à la propriété par ses concitoyens. En sus de cela, le gouvernement a aussi accordé près de 1 300 milliards d’euros de prêts au secteur pour lui permettre de redémarrer.
Des actions logiques et concrètes afin de ralentir la chute et reprendre une ascension. Mais, malgré ces mesures chocs, les résultats restent décevants et pour cause : l’inflation touchant tous les pays, les exports de l’usine du monde sont en baisse. Les ménages chinois se sont considérablement appauvris, et c’est la classe moyenne qui est la principale victime de cette inflation avec une perte pouvant avoisiner les 30% en termes de niveau de vie. Un chiffre énorme qui témoigne de l’appauvrissement de la population et du ralentissement économique du pays tout entier.
L’appauvrissement des foyers freine l’acquisition immobilière, et ce, malgré les efforts entrepris par le gouvernement chinois. Le niveau de vie baisse, les gens ne font plus d’enfants (conséquences de la politique de l’enfant unique) et la population active vieillit et diminue. Mais le secteur immobilier doit d’abord retrouver des acheteurs avant de pouvoir profiter pleinement des aides gouvernementales pour redresser la barre.
Avec la faillite de Evergrande c’est toute la Chine qui subit un revers sur sa stratégie engagée depuis plus d’une trentaine d'années. Une stratégie qui a porté ses fruits au départ mais qui, faute de limitations à temps a fini par créer un déséquilibre économique global. Une situation qui ne poussera pas la Chine à la banqueroute, certes, mais qui pourrait avoir comme conséquence un désintéressement de sa population et un manque de docilité jusqu’à présent acquise par le biais d’un niveau de vie croissant. Il faut également ajouter à cette spirale nocive, une perte de parts de marché face à des géants comme l’Inde qui sont actuellement en plein boom économique, rattrapant son voisin chinois à toute vitesse, avec d’ores et déjà une population supérieure en nombre d’habitants.