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Transport et COVID-19 : Quelles conséquences?

La crise liée à la COVID-19 est sans précédent dans notre époque contemporaine. Bien que le monde de la logistique ait connu diverses crises depuis la fin de la seconde guerre mondiale, notamment les crises pétrolières et financières, c’est la première fois que la quasi-intégralité des pays décident de fermer leurs frontières et de se confiner pour des raisons sanitaires.


Coup de frein sur la logistique mondiale

Les diverses mises à l’arrêt des économies, et donc des secteurs concernés (et ils sont nombreux), ont logiquement entraîné un ralentissement du commerce mondial, ce qui, malgré de timides reprises en amont de la seconde vague actuelle, a entraîné un dérèglement de toutes les prévisions du marché et par la même occasion, a enrayé la chaîne logistique mondiale.

Le fait que la pandémie ait débuté au sein même du premier exportateur mondial qu’est la Chine n’a pas contribué à aider les choses. Dès le début de la crise, la Chine a dû freiner des quatre fers son activité, entraînant donc dans sa course l’ensemble de l’économie mondiale fortement dépendante de l’Asie.

Tout récemment, la conférence des Nations Unies sur le commerce et développement (Cnuced) a mis en lumière l’onde de choc sans précédent qu’ont subi l’ensemble des opérateurs maritimes mondiaux. La chute globale représenterait 4.1% dont une chute de 6.6% sur les volumes de conteneurs opérants sur le secteur transpacifique. Les chiffres du rapport sont relativement éloquents, tous les secteurs ont été touchés par la crise sanitaire, et ce rapport ne fait état que des conséquences de la première vague, et non celles de la seconde qui est en cours au moment où cet article est publié.

De fait, en pleine seconde vague, les perspectives de la Cnuced sont en berne, le court terme notamment, et il est très difficile de prévoir quoi que ce soit tant cette crise est déroutante. Toutefois, si l’on part d’un scénario optimiste, une reprise pour 2021 de 4.8% serait envisageable dès lors que cette période de doute sera sur son déclin au cours du 1er semestre 2021.

Il est à souligner justement que cette reprise devra s’accompagner d’un challenge, celui de s’adapter à “un monde nouveau qui émerge après la pandémie”. Il faut par ailleurs ne pas oublier que les armateurs ont fait en sorte de sauver les meubles durant cette crise, ce qui n’a pas été pour ravir d’autres acteurs dépendants du secteur que sont notamment les commissionnaires de transports multimodaux.


Vers un conflit entre les armateurs et les autres acteurs du secteur logistique?

Actuellement, la colère monte au sein des différents acteurs du transport, TLF Overseas, le syndicat représentant les professionnels de l’organisation du transport a récemment pris la parole pour faire état de l’exaspération de ses membres face à des armateurs tendant à "dérégler totalement le marché maritime”.

Pour cause, les Freight forwarders se retrouvent à affronter, en plus de la crise et ses conséquences directes sur leurs clients, des phénomènes de pénurie de containers, des surcharges appliquées sans préavis, une réduction de capacité sur certains axes, des annulations d’escales, une absence de visibilité totale du marché ou encore des augmentations de taux de fret. Tout un ensemble de causes qui font que le secteur souffre et demande à être entendu.

Le syndicat TLF a par ailleurs fait état de ces revendications auprès des instances européennes, considérant que ses membres sont pris à la gorge par les actions imprévisibles menées par les armateurs durant cette crise dans le seul but d’assurer leur rentabilité.

Pour cause, des taux de fret qui augmentent significativement sur certains axes (on peut citer l’exemple donné par le syndicat : 6 000$ pour un Chine-Hambourg) et qui fausse complètement des opérations, mais aussi des ajouts de surcharges sans préavis, du jour au lendemain, qui plombent par effet domino les ventes des prestations, sachant que peu de destinataires finaux seront en capacité d’encaisser des charges imprévues dans une période économique tumultueuse.

Les armateurs fournissent pourtant des explications, mais elles ne sont pas acceptées, jugées parfois trop “floues” ou trop “pauvres”. Le souci réel pour les acteurs représentés par le syndicat, c’est que l'armateur détenant la marchandise, ils sont pieds et poings liés à celui-ci et ne peuvent alors que subir les augmentations à tout va qui sont appliquées sur certaines zones. L’importateur qui mandate le transitaire ne peut pas forcément être à même de payer ces surcharges, lesquelles plombent littéralement toute sa vente finale.

Il y a un effet “vache à lait” qui n’est plus accepté par les clients, ils ne peuvent, surtout en ce moment, amortir les surcoûts de leurs importations. Une autre mesure qui fait jaser, c’est la garantie premium de 1 000$ qui, d’après les témoignages enregistrés, n’assure en rien une prise en charge prioritaire.

Le syndicat accuse les armateurs d’avoir voulu assurer leur rentabilité au détriment de leurs clients qui se sont très vite retrouvés le bec dans l’eau face à ces nombreuses hausses tarifaires. On le voit, il y a une pénurie constatée de containers, car les compagnies préfèrent diriger les flux vers les axes les plus rentables (Asie-USA notamment) plutôt que vers d’autres, dont l’Europe. Ceci entraîne de fait un déséquilibre avec d’un côté une pénurie de containers pour les Européens qui se voient contraints de reporter ou annuler des importations ou des exportations, et d’un autre côté un excédent de conteneurs vides en Asie : le phénomène de rotation est totalement enrayé. Ce déséquilibre associé aux frais sans préavis crée ce climat de tension entre les commissionnaires de transport et les compagnies maritimes, il y a un sentiment d’injustice qui règne dans le milieu et fait gronder l’orage entre les différents protagonistes.

Pourtant, il est aussi compliqué de reprocher à une société de vouloir elle aussi sauver les meubles et assurer sa pérennité. Ce à quoi le syndicat rétorque qu’il entend bien l’argument économique mais qu’il ne ne cautionne pas les méthodes appliquées, sans même une seule concertation avec les principaux intéressés. Les entreprises exportatrices et importatrices, déjà fragilisées ne peuvent encaisser les aléas susmentionnés. Ce sont pourtant eux qui sont le maillon essentiel car ils sont la matière première de l’économie du transport. Si les volumes diminuent à cause de cette crise, et qu’on rajoute des éléments pour contribuer au ralentissement global des activités, cela fait effet boule de neige affectant du coup les transitaires et commissionnaires, puis forcément les compagnies maritimes, tout ceci engendrant donc un déséquilibre mondial qui se révélera plus explicitement à moyen terme.

Le problème de fond pour le syndicat est que cette crise reflète le besoin urgent de créer une FMC Européenne (Federal Maritim Commission) qui évaluerait et contrôlerait l’offre de service dans les ports et éviterait ce genre de déboires jugés injustes par beaucoup. En effet, étant donné qu’il n’y a pas de réelle régulation des pratiques, les acteurs représentés par le syndicat se plaignent du manque de marge de manoeuvre pour anticiper les surcharges mais aussi pour changer de crèmerie étant donné que les armateurs, s’étant concentrés au cours des dernières décennies, constituent un oligopole de plus en plus restreint, laissant ainsi peu de choix au consommateur face à une toute petite poignée de compagnies géantes.

On le voit bien ici, chacun défend son pré carré, l’armateur qui veut limiter les dégâts à son niveau, les clients de l’armateur qui veulent aussi minimiser les surcoûts de la crise sur leurs ventes souvent établies à l’avance (et bien avant la crise parfois). La vraie question est de savoir comment satisfaire tout le monde.

C’est un cercle vicieux car si les armateurs et leurs clients transitaires et commissionnaires parviennent à s’entendre sur des surcharges, avec un délai de manœuvre cohérent, est-ce que les destinataires finaux, c’est à dire les importateurs, auront les reins assez solides pour prendre ces surcharges et les impacter à leur tour sur les clients finaux bien souvent fragilisés par la crise, qui, avec un portefeuille plus léger, ne pourront pas subir une hausse de tarifs ? On le voit bien, la problématique est réelle et très complexe, il n’y a pas de “grand méchant” mais tout un ensemble d’acteurs qui essayent de limiter la casse individuellement, entraînant, par manque de concertation, une sorte de maelstrom général qui, en toute logique, crée cette confusion dans le secteur..

Que nous apprend cette pandémie?

Cette crise sanitaire aura eu comme effet de mettre en évidence l’interdépendance des pays entre eux, voire la dépendance totale de certains marchés vis-à-vis d’un ou plusieurs pays. En effet, avec un coup d’arrêt quasi-total de la vie économique dans la majorité des pays, sont très rapidement apparues les lacunes de chacun et les prises de conscience qui en ont découlé.

Il n’est pas anodin que la Cnuced parle de “monde nouveau” pour évoquer la fin de la pandémie. Cette crise fera changer les mentalités, aussi bien chez l’individu lambda que dans les entreprises. Il y a fort à parier que des productions (et cela a d’ailleurs été évoqué par certains groupes) vont tendre à se rapprocher géographiquement des lieux de consommation, ou se répartir en divers lieux pour qu’en cas de crise, tout ou partie de la production puisse être maintenue.

Les regards se tournent forcément vers l’Asie et l’Inde. La crise ayant débuté sur cette zone, la dépendance mondiale vis à vis de ces contrées est très vite devenue évidente, sans compter avec le contexte géopolitique tendu antérieur à la crise qui avait déjà impacté négativement certains échanges commerciaux dans plusieurs secteurs d’activité.

Le challenge à venir sera, pour tous les acteurs du transport, de s’adapter à ce “nouveau monde” à venir que beaucoup prennent plaisir à évoquer. La brutale remise en question de la dépendance forte vis-à-vis de certains pays alors que les armateurs font des navires aux capacités de transport toujours plus élevées prend une tournure paradoxale relativement inédite, poussant à se demander si la course au gigantisme est finalement une idée d’avenir.

Il est possible que les échanges soient moins nombreux mais réunis sur de plus gros navires, et que soient privilégiés de plus petits trajets maritimes si les entreprises rapprochent leurs unités de production par exemple. Le raccourcissement de la chaîne de production risque bien de devenir une tendance qu’il ne va pas falloir négliger.

Le rapport de la CNUCED a par ailleurs bien fait état du manque évident d’anticipation du secteur logistique face à ce type de crise dont la brutalité a sidéré tout le monde. Pour elle, il faut par exemple favoriser les échanges commerciaux par voie électronique, automatiser au maximum tout en ne négligeant pas tout ce qui est Cyber-sécurité. La démocratisation du télétravail aura eu pour effet d'accélérer les processus déjà enclenchés de modernisation et de numérisation des échanges.

Il en va de même pour les gens de mer (le personnel naviguant) qui se sont pour beaucoup retrouvés bloqués en mer à cause des restrictions sanitaires. Il convient désormais que des mesures préventives et humaines soient appliquées car ce sont presque 300 000 personnes qui sont restées bloquées en mer durant le début de la crise sanitaire mondiale.

Beaucoup d’économistes et autres prévisionnistes économiques imaginent beaucoup de scénarios possibles sur l’issue de cette crise. Mais à l’heure actuelle, en pleine seconde vague avec tout juste quelques portes de sorties qui s’entrouvrent timidement, il est impossible de prévoir quoi que ce soit, si ce n’est d’être le plus prudent possible face une imprévisibilité totale de tous les secteurs d’activités. Néanmoins, pour terminer sur une note positive et optimiste par rapport au transport maritime dont il est état dans cet article, il est à souligner que le rapport de la CNUCED mentionne que le repli de 2020 est moins prononcé qu’en 2009 durant la grave crise économique, concluant également sur le fait que malgré un repli indéniable de l’activité, le transport maritime a beaucoup mieux résisté que prévu, surtout en comparaison avec les secteurs routiers et aériens qui ont eu une détérioration beaucoup plus conséquente de leur activité.


Sources :

  • Marine-Oceans
  • Icric International
  • Unctad
  • Africa Logistics
  • Journal de la marine marchande
  • Msn


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