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Premières salves de sanctions des autorités américaines contre les armateurs

Le sujet n’est pas passé inaperçu. Si, au début, celui-ci ne remplissait les colonnes que de la presse spécialisée, il s’est très vite étendu au grand public quand les conséquences des hausses tarifaires et des pénuries de containers se sont faites ressentir dans les rayons des grandes surfaces.


Un rappel s’impose

Dans le même temps que de nombreux chargeurs souffraient de la crise logistique, plusieurs armateurs publiaient dans la presse, et avec enthousiasme, des bénéfices records.

Très vite, la polémique a démarré. Les chargeurs ont accusé les armateurs d’avoir orchestré les pénuries pour créer une inflation des taux de fret ; d’autres ont parlé de racket organisé ou de prise d’otage. Les attaques n’ont pas manqué à l’encontre des armateurs pour exprimer la colère des acteurs économiques touchés par l’impact de la crise sanitaire sur la supply chain mondiale.

Rapidement, les autorités américaines s’en sont mêlées avec, en premier lieu, une enquête ayant pour but d’obtenir des explications des armateurs sur les accusations dont ils étaient la cible. Toujours très patriotiques notamment en ce qui concerne leur économie, les Américains ont été les premiers à monter au créneau lorsque plusieurs de leurs fleurons nationaux ont commencé à être victimes des soubresauts de la supply chain. Certes, de grosses sociétés comme Amazon ont pu affréter elles-mêmes des navires pour contourner les blocages. Mais la plupart des acteurs économiques n’ont eu d’autre choix que de subir une situation que certains ont estimé avoir été créée de toute pièce.

Il faut dire que le timing n’a pas été dans le sens des accusés : les publications, teintées de fierté, des armateurs évoquant leurs bénéfices records, sans doute pour rassurer leur actionnariat, ont télescopé les informations sur un marché en souffrance du fait des pénuries et des hausses des prix.

Les autorités américaines ont alors mis dans le viseur plusieurs armateurs et alliances afin de s’assurer que ces chiffres résultaient bel et bien d’une conjoncture favorable et non d’un abus de position dominante. Joe Biden, fraîchement élu à la Maison Blanche, envoya lui-même quelques piques à ce sujet lors d’un de ses premiers discours en tant que Président du pays.

Et les autorités américaines n’ont pas été les seules à enquêter sur l’origine des chiffres mirobolants annoncés par les armateurs.


Les premières sanctions tombent

Si la discrétion revenue et les gestes commerciaux engagés par les armateurs par la suite ont pu apaiser quelque peu les choses, cela n’a pas pour autant mis un coup d’arrêt aux enquêtes en cours. Les chargeurs peinent toujours à se relever et les conséquences d’une crise sanitaire durable, auxquelles s’est greffé le conflit russo-ukrainien, n’ont fait que renforcer le capharnaüm logistique auquel sont confrontés tous les acteurs de la logistique.

La commission maritime fédérale américaine (FMC), par son enquête, a initié les premières sanctions. Un juge de droit administratif a ordonné à l’armateur Hapag Lloyd de payer une amende de 822 220$ au titre de dommages et intérêts suite à des frais de détention jugés démesurés. La FMC a estimé que l’armateur avait sciemment et volontairement imposé des frais de détention sur des containers en sachant pertinemment qu’il n’y avait pas suffisamment de rendez-vous pour retourner les containers vides.

La société de logistique GSL est une des sociétés qui a alerté la FMC et qui a en premier accusé l’armateur. GSM reproche à Hapag d’avoir ignoré ses demandes d’annulation de frais de détention alors que la firme mettait tout en œuvre pour renvoyer les containers vides sur les terminaux. GSL affirme qu’il était devenu impossible de prendre le moindre rendez-vous pour restituer les boîtes vides, forçant ainsi le chargeur a conserver les boîtes chez lui et à engager des frais supplémentaires..

Cette première décision risque très probablement de faire jurisprudence. La FMC encourage d’ailleurs vivement les sociétés se sentant lésées à porter plainte contre ces pratiques jugées déraisonnables. Toujours selon la FMC, les frais engagés contre les chargeurs sont interprétés comme injustes et excessifs car ceux-ci ne tiennent pas compte d’un contexte totalement hors de contrôle.

Du côté d’Hapag Lloyd la défense est claire : ce sont les pratiques normales de leur société. Si effectivement dans un contexte stable ces frais visant à accélérer la rotation des équipements prêtés aux chargeurs sont justifiés, ici la situation exceptionnelle a rendu quasi impossible la restitution des boîtes vides et, ce, en dépit des appels à l’aide des chargeurs qui voulaient restituer leurs boîtes dans les temps.

La sanction en effet ne concerne pas le montant des frais de détention lui-même, lequel reste raisonnable en temps normal, mais une facturation qui est jugée injuste dans une situation exceptionnelle. La FMC juge que l’armateur savait que son client mettait tout en oeuvre pour restituer les boîtes vides et, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, il aurait dû s’abstenir de facturer ces frais car la situation ne permettait tout bonnement pas à son client de restituer les unités malgré de nombreuses tentatives. On est donc ici sur une sanction liée en quelque sorte a de la mauvaise foi commerciale plutôt qu’à une remise en cause du principe des frais de détention.


Il est probable que cette première salve va motiver d’autres sociétés à se retourner contre les armateurs, et pas qu’aux Etats Unis. Les rancœurs sont tenaces et le contexte géopolitique actuel n’apaise en rien la situation. Si cette amende concerne des frais de détention, la FMC n’en oublie pas non plus les tarifs de fret démesurés qui ont été appliqués durant la pandémie et de nouvelles accusations pourraient voir le jour. Une situation à suivre de près car elle pourrait amener un recadrage du secteur afin d’éviter que, demain, en cas de situation similaire, les chargeurs soient à nouveau les victimes économiques principales quand les armateurs bénéficient d’un effet d’aubaine pour augmenter considérablement leurs profits. La crise sanitaire n’étant pas totalement résorbée et le conflit en Ukraine battant son plein, il est probable qu’un schéma similaire à ce que nous avons connu l’an passé se reproduise à l’identique si rien n’est encadré en amont.

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