Pénuries et congestions font grincer les rouages de la supply chain
Maintes fois abordé sur le site, et pour cause, le sujet de la pénurie de containers ne cesse de donner du grain à moudre aux actualités du secteur, au détriment des chargeurs et transitaires bien ennuyés par une situation compliquée qui perdure.
Fermeture de terminaux et décalages d’escales
La forte pénurie de containers que nous rencontrons depuis plusieurs mois maintenant continue d’alimenter les discussions des logisticiens qui peinent à remettre les rouages de la supply chain en route.
Il faut dire que la chaîne logistique mondiale n’a pas été épargnée par les problèmes : blocage du canal de Suez, incendie du X-Pearl, clusters de virus en Chine, congestion des ports américains, etc… Pas une semaine ne s’est passée sans qu’un élément ne vienne s’ajouter à la couche de problèmes déjà bien épaisse.
Outre les avaries citées précédemment, c’est le déséquilibre de la reprise des différents pays déconfinés qui a alimenté les différentes congestions à travers le monde. Beaucoup de terminaux en Chine du sud se sont retrouvés dans l’obligation de fermer leurs portes face à l’arrivée des clusters de variants anglais et, ce, pour tout le mois de juin.
Le port de Yantian, qui traite tout de même 10% du trafic commercial à l’export de la Chine, est fermé jusqu’à la fin du mois en cours, créant une congestion portuaire et un remodelage complet des feuilles de route des navires en transit pour ce port.
Cependant, les clusters détectés ne sont pas la raison principale de ces congestions portuaires. Il s’agit encore et toujours de la pénurie de boîtes et la reprise de l’économie mondiale qui amplifie le phénomène. Qui dit augmentation de la demande supérieure à l’offre, dit aussi demande très forte sur les ports principaux. Ces ports, que ce soit Rotterdam, Los Angeles ou la zone de Shenzhen restent extrêmement sollicités et ne peuvent plus gérer l’afflux de navires malgré leur capacité de traitement des volumes très élevée et très organisée.
Pour pallier ce problème, les armateurs ont décidé d'anticiper les congestions à venir et ont annulé des escales sur plusieurs semaines afin d’aider les terminaux à résorber leur retard. Ce n’est pas, sauf pour le cas des clusters chinois, les terminaux qui ferment mais les armateurs qui redirigent les flux pour diminuer les retards et soulager les gros terminaux noyés sous les demandes. C’est ainsi qu’on a pu voir les armateurs rediriger les navires sur Oackland au lieu de Los Angeles, ou des armateurs tels que Hapag Lloyd annuler les escales à Rotterdam pour se diriger plutôt vers des ports alentour.
Si les nouvelles feuilles de route sonnent bien sur le papier, la réalité est toute autre. La demande est toujours en hausse et les containers toujours aussi rares avec des taux stratosphériques qui forcent les plus gros chargeurs à affréter eux-mêmes des navires au détriment des contrats en place avec leurs armateurs et transitaires. Par effet domino ces congestions amplifient la pénurie actuelle car les rotations de containers sont ralenties. Si certains chargeurs comme Home Depot tentent de jouer leur propre jeu et se rendent, certes pour un temps, indépendants afin de remplir leurs magasins de distribution, ils ne peuvent pour autant échapper à la problématique des navires qui sont des dizaines à faire des ronds dans l’eau autour des différents terminaux attendant de pouvoir y être opérés.
Déplacer un problème sans le résoudre ?
Annuler des escales ne fait finalement que déplacer le problème. On voit d’ailleurs que cette solution n’est qu’un pis-aller car le port d' Oakland présente maintenant lui aussi une saturation de ses services.
Les armateurs pourraient encore annuler des escales, mais ils craignent d’accroître encore les ressentiments du milieu et que leurs clients étudient sérieusement les solutions multimodales alternatives (avion, train, relocalisation d'unités de production, changement de fournisseurs, etc…). Ce phénomène est inédit. Si la haute saison est bien connue pour offrir son lot de congestions habituelles, le nombre de navires qui patientent, lui, est bien plus élevé qu’à l'accoutumée. Habituellement, ces congestions cessent début juillet. On estime à environ 2 semaines la congestion moyenne, pour une durée estimée à la fin de l’été et une amélioration globale des flux attendue en début d’année 2022, une fois que la haute saison en cours sera terminée et les fêtes de fin d’année passées.
Les mesures étatiques de soutien aux économies (le quoi qu’il en coûte et le chèque Biden par exemple) ne pourront s’éterniser. Les taux de fret stratosphériques et le renchérissement des matières premières auront immanquablement un effet haussier sur les prix des produits finis, hausses que les consommateurs finaux ne pourront continuellement suivre. Soit l’inflation fera son retour, soit la consommation, et notamment de produits importés, se réduira entraînant avec elle une baisse des échanges mondiaux de marchandises, un retour aux surcapacités de transport et une baisse des taux de fret.
La congestion portuaire n’est pas une fatalité. Bien qu’elle soit problématique actuellement, il faut rester positif et constater malgré tout que la supply chain redémarre et tend à se rééquilibrer, même s' il convient de s’armer de beaucoup de patience. Cette crise sanitaire et ses conséquences auront permis de cerner clairement les faiblesses du système logistique mondial face à ce genre d’incidents en chaîne. Des retours d’expérience seront conduits, discutés et des recommandations seront mises sur la table afin qu’un tel phénomène ne se reproduise plus dans les mêmes conditions. Encore faudra-t-il qu’elles soient écoutées et suivies. Car rappelons que comme pendant toute crise certains ont su tirer leur épingle du jeu et s’enrichir considérablement.