Le canal de Panama à sec
Le canal de Panama sur le point d’être mis à l’arrêt ? C’est en tout cas la menace qui plane sur le célèbre ouvrage sud américain de presque 110 ans. Conséquence directe du réchauffement climatique, la zone souffre d’une terrible sécheresse qui a asséché les lits des lacs artificiels alentour (Gatun et Alajuela) alimentant le canal. A ce jour, les locaux font état d’un niveau de 3 milliards de mètres cubes d’eau douce. Or, il faut 5,2 milliards de mètres cubes pour que les navires puissent naviguer sans difficulté.
Avec près de 6% du trafic maritime mondial, le canal de Panama est un édifice vital pour les échanges commerciaux. Malheureusement, avec de telles difficultés, les autorités ont été obligées de refuser la navigation de certains navires faute de profondeur suffisante. Les tirants d’eau ont donc été restreints, passant de 14,3m le 27 avril dernier, à 14,02m le 12 mai ensuite. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant.
Un coup dur pour la communauté maritime dont la décision pousse les logisticiens à brainstormer pour trouver des solutions alternatives. Les portes conteneurs de plus de 15 000 EVP ont besoin de 16 m de tirant d’eau pour naviguer. Autrement dit, il faut réorganiser complètement la supply chain mais cela ne va pas sans d’énormes conséquences. Soit les navires transbordent leurs marchandises sur des unités plus petites et plus adaptées, soit ils allègent leurs navires dès le départ en réduisant leur offre, soit enfin ils font un détour par le Cap Horn. Dans tous les cas de figures, un allongement des délais et des coûts est d’ores et déjà à prévoir au grand dam des destinataires des marchandises.
Cette situation n’est pas sans rappeler le fameux Ever Given qui avait bloqué le canal de Suez en mars 2021, forçant de nombreux navires à faire un détour par le cap de Bonne Espérance ou à attendre de longs jours à l’entrée du canal. Un épisode catastrophique à l’époque qui avait entraîné de très nombreux retards dans une période déjà très tendue après la crise des taux de fret maritime.
De nombreuses associations écologistes prônent une fermeture complète du canal jusqu’à nouvel ordre. Impensable pour les autorités qui, elles, préfèrent opter pour une réduction des passages. En effet, le canal de Panama a vu passer plus de 14 000 navires en 2022 dont près de 1 800 Panamax. Une fermeture représenterait donc une catastrophe sur un trafic maritime en hausse (900 navires de plus qu’en 2021).
Pour l’heure, les autorités restent figées sur la réduction du tirant d’eau, mais compte tenu de la météo à venir, nul doute que ces restrictions risquent de persister et entraver la supply chain de manière générale. Un événement qui n’est pas sans nous rappeler l’extrême fragilité de la logistique mondiale face à des situations imprévisibles et non maîtrisables.