La problématique des containers perdus en mer revient sur le pont
Le transport maritime comporte des risques. Le principal et le plus coûteux reste la perte de marchandise suite à une avarie. On estime à plus de 160 millions le nombre d’EVP qui ont circulé dans le monde en 2018, soit deux fois plus qu’en 2007. Il est plus que probable que ce chiffre a encore augmenté ces dernières années.
Comparé à un tel volume, le nombre de containers perdus parait infime. Pourtant, il augmente constamment au point de devenir une problématique majeure que les professionnels du secteur remettent sur la table afin d'atténuer ces pertes le plus possible à défaut de pouvoir y remédier.
Des chiffres en nette augmentation mais qui ne reflètent pas la dure réalité
On estime à quelques milliers à peine le nombre de containers perdus en mer chaque année. Cependant, la réalité serait tout autre. En effet, rien qu’en 2020 ce sont 3 000 boîtes qui ont été perdues et déjà un bon millier depuis le début de cette année, un chiffre qui file à la hausse et qui inquiète.
En proportion du nombre de containers transportés, ce chiffre paraît faible. Pourtant, il est loin de refléter les données des pertes réelles en mer. En effet, les pertes ne sont pas toujours rendues publiques par les armateurs, soit parce qu’il n’en a pas lui-même la connaissance, soit pour éviter d’avoir à payer les coûts de récupération et éventuellement ceux de la dépollution.
Les raisons de ces “boîtes à la mer” peuvent être liées à un accident ou à la volonté d’éviter une avarie (lâcher du lest durant une tempête par exemple).
L’arrivée de navires sans cesse plus gourmands en volume d’EVP transportés augmente le risque de voir un nombre plus élevé de containers chuter durant leur trajet. C’est justement cela qui inquiète car les volumes transportés sont en constante augmentation depuis les années 90 et cela augmente, par effet mécanique, le facteur risque lors des transports, que ce soit celui d’un naufrage ou d’une avarie sur une ou plusieurs boîtes.
La remise sur la table par différents acteurs de la supply chain de cette problématique est essentielle. Au-delà de la simple perte d’un container, il y a le danger qu’il représente pour l’environnement et pour la navigation. Un container peut couler à pic mais il peut aussi flotter ou se maintenir entre deux eaux. Et devenir un vrai danger pour un navire qui peut le percuter. Ajoutons à cela la dangerosité des contenus de ces boîtes fantômes : on estime à plus de 6 millions le nombre de containers qui transportent des matières dangereuses et, sur ce chiffre, plus d’un million seraient mal déclarés auprès des capitaineries.
De fait, un container rempli de matière dangereuse perdu en mer devient une véritable bombe pour l’écologie marine.
La pandémie a aggravé également le relâchement des contrôles, que ce soit sur la marchandise ou sur l’équipage. On fait face à des flux tellement tendus que les opérations peuvent être conduites à la va-vite. Certains équipages ne touchent plus terre depuis des mois et sont épuisés. L’assureur Allianz, dans un rapport, fait état que près des ¾ des accidents maritimes sont liés à une erreur humaine.
Dans le contexte actuel qui voit paradoxalement la conscience écologique augmenter autant que le transport et la consommation, il est plus que nécessaire de chercher des solutions pour remédier à cette problématique.
Alors, quelles solutions ?
L’une des premières raisons qui crée des avaries de conteneurs en mer, c’est un problème de déclaration. Il faut comprendre que chaque container transporté doit être correctement déclaré, notamment au niveau de son contenu et de son poids (VGM). Les plans de chargement des navires sont extrêmement précis et rigoureux, tout est optimisé pour que les navires soient chargés en fonction des escales, des poids et des contenus. Une organisation complexe qui, si elle contient de mauvaises informations, peut mettre à mal tout un chargement, en particulier la répartition du poids de la cargaison sur le navire, et entraîner des chutes de containers si le navire fait face à des épisodes météorologiques violents durant son périple.
Il est donc nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs de la supply chain pour les sensibiliser à cela. Du manutentionnaire au docker en passant par la compagnie et le transitaire, tout le monde doit être à même de fournir un suivi optimal de sa cargaison pour éviter au maximum les problèmes.
Beaucoup de boites perdues en mer, en plus d’être mal déclarées, peuvent être mal arrimées. Des escales plus courtes, des navires plus gros et le travail d’arrimage des containers à bord peut être bâclé. De même, certains capitaines n’hésitent pas, par souci d’optimisation du temps de trajet, à braver des tempêtes au risque de devoir jeter des unités par dessus bord pour éviter un naufrage, voire carrément à risquer le naufrage pur et simple. Il y a une réelle prise de conscience qui doit être faite du côté de chacun des acteurs afin de limiter les dégâts.
Pour réduire ces avaries, plusieurs solutions sont préconisées et soumises à discussions. Tout d’abord il y a le contrôle des déclarations : la récente mise en place des VGM a permis de pouvoir renforcer le contrôle des déclarations frauduleuses. Mais il faut renforcer les contrôles dans certains ports jugés trop laxistes. Autre solution primordiale, préconiser des détours en fonction de la météo pour éviter des risques de naufrages ou de pertes, quitte à rallonger les temps de transit. Mieux vaut une marchandise en retard qu’une marchandise qui n’arrive pas du tout !
Enfin, autre solution parmi d’autres à étudier, un renforcement du suivi des équipages à bord afin qu’ils ne soient pas en position de “burn-out” après des mois non stop sans toucher terre. Un personnel navigant qui est reposé évite les erreurs d'arrimage et de navigation. Rappelons que le facteur humain est celui qui joue le plus dans le cadre des pertes de conteneurs.
Nul doute qu’avec les problématiques actuelles liées à l’écologie et la reprise des flux internationaux qui ne cessent d’augmenter, les questions seront posées avec sérieux. Les différents acteurs de la logistique ne veulent pas écorner une image “verte” qu’ils ont du mal à développer pour diverses raisons. Faire preuve de laxisme dans un moment où les risques augmentent plus qu’à proportion des volumes serait comme ramer à contre-courant.
Ce sont les chiffres qui, in fine, parleront. Mais il est à parier que la question des containers perdus sera enfin prise avec sérieux par l’ensemble des opérateurs de la chaîne et que des mesures concrètes seront prises dans les mois à venir. Nous ne manquerons pas de vous en faire part si de nouvelles informations nous parviennent.