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Comment Amazon contourne le chaos logistique?

Aujourd’hui, qui ne connait pas Amazon ? Que l’on aime ou que l’on déteste la firme américaine, elle est devenue incontournable dans le paysage commercial numérique mondial. Le géant américain, fondé en 1994 par Jeff Bezos, devenu depuis l’une des plus grosses fortunes du monde, n’a de cesse de vouloir s’étendre dans tous les domaines imaginables.

Initialement créée pour la vente de livres, le site marchand s’est rapidement tourné vers d’autres produits, avant de devenir une market place incontournable pour des milliers de marques et d’entrepreneurs désireux de toucher une clientèle internationale avec un minimum de contraintes. Si Amazon fonctionne si bien, c’est parce qu’elle traite la logistique elle-même pour une très grosse partie des produits vendus sur son site. Ainsi, chaque revendeur voit ses produits stockés par Amazon, emballés par Amazon, puis livrés par Amazon : un gain de temps considérable qui a séduit des milliers de personnes, aussi bien acheteurs que vendeurs et qui a fait de la petite firme de Seattle, le géant que l’on connaît aujourd’hui.


Ma petite entreprise ne connait pas la crise

Quelle que soit son entreprise, sa taille, il a été difficile de passer à côté des remous engendrés par la crise sanitaire. Que ce soit une baisse d’activité, des retards d’acheminement ou de production, de la congestion portuaire ou encore des hausses de tarifs de matières et de fret stratosphériques, il aura été difficile de sortir indemne de ce tohu-bohu.

Pourtant, alors qu’on pourrait penser que seuls les armateurs ont su tirer leur épingle du jeu durant les multiples phases de confinement, à travers une multiplication par dix des tarifs qui leur a permis d’engranger des gains colossaux, d’autres sociétés ont elles aussi su tirer parti de cette crise sanitaire sans précédent.

Amazon a vu ses gains atteindre des pics de progression inédits. Ce grâce au sur-consumérisme américain en majeure partie, le même qui a engendré le déséquilibre logistique et les pénuries de containers que l’on connaît. Car lorsque l’on ne peut plus sortir de chez soi faire du shopping, il reste la solution internet. Et le premier réflexe est devenu d’aller sur Amazon faire ses emplettes (d’autant que le site s’ouvre désormais à l’alimentaire, notamment avec le récent partenariat avec le groupe Casino). La multiplication des connexions sur la plus grande marketplace du monde a permis à celle-ci, pourtant déjà très puissante, d’asseoir un peu plus sa domination sur les marchés.

Mais la multiplication des gains génère l’augmentation des moyens. Nous évoquions les compagnies maritimes qui ont multiplié leurs bénéfices : celles-ci ont commencé rapidement à se servir de cette opportunité pour investir, notamment la CMA CGM qui met un pied dans l’aérien en rachetant des avions ou tout récemment, en prenant possession d’un terminal du port de Los Angeles et en rachetant, sur fonds propres, le spécialiste du e-commerce logistique Ingram pour 3 milliards de dollars. La stratégie du groupe basé à Marseille pousse vers une intégration verticale optimale, c'est-à-dire en ayant un pied dans chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement du commerce mondial pour optimiser son activité principale.

Et Amazon dans tout cela ? Et bien le colosse américain a décidé d’investir lui aussi dans l’intégration verticale pour contourner le chaos logistique de ces deux dernières années. Et il fait bien plus que d’affréter des navires comme ont pu le faire Walmart, Costco ou encore Ikea…


Do It Yourself, by Amazon

S’il y a bien une chose qui s’est développée durant le confinement, c’est le Do It Yourself ou, en français le “faites-le vous-mêmes”. Nombreux sont ceux qui ont pu profiter de ces moments bloqués chez eux pour bricoler, apprendre de nouvelles choses ou encore repenser leur carrière. En ce qui concerne la firme au carton qui sourit, le “DIY” a lui aussi été une vraie source d’inspiration et pour cause : face à la panique logistique, il a fallu retrousser ses manches pour faire face au déséquilibre offre / demande. Le site a reçu plus de commandes qu’à l’accoutumée, mais son service logistique “Prime” garantissant des délais très courts ne put plus suivre. Il fallut donc rapidement trouver une solution et, voyant que ses partenaires logistiques n’arrivaient pas à suivre le rythme des commandes, Jeff Bezos a décidé de prendre le taureau par les cornes et d’assurer lui-même sa propre logistique.

Les bénéfices d’Amazon, déjà en grande forme avant la crise sanitaire, lui ont permis d’investir massivement pour être en mesure de contourner la chaîne d’approvisionnement classique. Depuis quelques temps, et en toute discrétion, l’Américain affrète des cargos privés et des vols longs courriers pour assurer des délais que les porte-conteneurs n’arrivaient plus à garantir.

Mais au-delà des délais de navigations et de manutentions portuaires classiques, n’oublions pas la très forte pénurie de conteneurs qui a fait grimper les taux. Prenant l’expression “on n’est jamais mieux servi que par soi-même” au pied de la lettre, Amazon a décidé de construire elle-même ses propres containers. Ainsi, plus besoin d’attendre qu’un container se libère, la société dispose de ses propres boites, de couleur bleu marine et estampillées Amazon. Le gain de temps est énorme.

Affrêter ses propres moyens de transport et faire construire ses propres containers ne résout pas le dernier facteur bloquant de la chaîne logistique : la manutention portuaire et ses jours d'attente sur les grands ports maritimes, comme à Los Angeles et son record de 45 jours d’attente.

Que faire alors, si l’on veut pouvoir s’éviter de faire des ronds dans l’eau, dans une file d’attente interminable ? Payer des frais d’immobilisation alors qu’on a investi en masse pour éviter des retards et des surcoûts serait un vrai gâchis sur le plan stratégique, voire un échec. Mais impossible n’est pas français, il semble également ne pas figurer au glossaire de la firme de Seattle, laquelle a une solution toute trouvée. Lorsque l’on a, comme c’est le cas actuellement, une indépendance totale par l’affrètement de ses propres navires et la fabrication de ses propres boîtes, alors n’est-on pas de fait également libre de suivre sa propre feuille de route et ne pas se conformer aux escales et donc aux ports les plus chargés ? Ainsi, Jeff Bezos fait entrer sa marchandise sur des ports de marchandises peu connus et peu fréquentés en rapport aux structures géantes qui croulent sous les containers à traiter. En optant pour cette stratégie, les navires accostent sans attente, déchargent leurs containers rapidement et la redistribution sur les territoires se fait ensuite par le biais du réseau ferré (les containers sont adaptés à tous moyens de transport dont, bien entendu, le ferroviaire). Puis le dernier kilomètre se fait par camions, en conventionnel.

Amazon parvient ainsi à contourner la tempête grâce à une stratégie bien huilée : elle affrète ses propres navires, elle accoste dans des ports discrets et éloignés des grands axes, ses conteneurs utilisent tous les aspects multimodaux possibles et, une fois ceux-ci dépotés, ils peuvent être utilisés comme unités de stockage additionnel ou bien revendus sur des marchés locaux d’autant plus demandeurs que les stocks sont au plus bas. Amazon réalise ainsi des plus-values sur la revente des équipements tout en évitant les coûteux frais logistiques de retour des vides en Asie, contournant de fait le problème de rotation des containers qui engendre la pénurie de boîtes dont nous parlons tant depuis des mois.

Bien entendu, pour parvenir à cela il faut en avoir les moyens. Et des moyens, Amazon en dispose. On estime que, en 2020, elle a dépensé pas moins de 61 milliards de dollars, contre moins de 38 milliards l’année précédente, pour sa logistique. Si l’on regarde ses expéditions en propre, en 2019 l’Américain envoyait par ses propres moyens environ 47% de ses colis. L’année suivante, ce chiffre a grimpé à 72%.



Il ne faut toutefois pas oublier de mentionner que malgré cette stratégie qui s’avère payante, le roi du commerce en ligne a tout de même subi lui aussi une hausse de ses ruptures de stocks et de tarifs de vente, à savoir 14% de rupture et 25% de hausse moyenne des tarifs sur certaines catégories d’articles. Cependant, avec une casse plus que limitée et des bénéfices en hausse bien réinvestis, la crise sanitaire a été, malgré tout, quasi indolore pour le colosse du e-commerce, devenu aussi un cas d’école idéal pour comprendre le principe de la stratégie d’intégration verticale et son intérêt.

Nul doute qu’avec ce type de stratégie, bien que cela requière une santé financière de fer, certains autres géants ne tarderont pas à prendre exemple de leur confrère pour, eux aussi, développer une indépendance logistique et contourner les tsunamis à répétition que peut encore subir la chaîne logistique mondiale, déjà très fragilisée.

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