A sec, le canal de Panama perturbe la supply chain
Nous en avions parlé il y a quelques semaines dans nos actualités, le canal de Panama subissait de plein fouet la sécheresse et son niveau devenait alarmant au point que certains navires avaient été refusés à la traversée afin d’éviter toute avarie qui pourrait bloquer l’édifice long de près de 80km. Des mesures drastiques mais nécessaires, surtout quand on connaît maintenant les conséquences de ce genre d’incident sur des goulets d’étranglements comme ce fut le cas avec le canal de Suez.
La situation ne s’est depuis pas améliorée. Au large de l’entrée du canal, ce sont des dizaines de navires qui attendent patiemment de pouvoir entrer. Au 23 Août, on dénombrait pas moins de 125 navires dans la rade du canal, une vidéo prise par un passager depuis un avion survolant la zone montra le côté spectaculaire de la situation, lui donnant de véritables airs de bataille navale.
Dans un récent article de Courrier International, Mar Gamez, consultante en droit maritime international évoque le handicap principal du canal qui est son fonctionnement à l’eau douce et non l’eau de mer. Un détail qui a son importance car il reflète ainsi la dépendance de l’édifice à l’eau de pluie et, avec le réchauffement climatique, cette fameuse eau de pluie devient rare durant de très longues périodes, occasionnant des congestions portuaires monstres. Le canal dispose d’un bassin hydrographique formé par les lacs Gatun et Alajuela, mais ces sources d’eau ne suffisent plus et les autorités cherchent de nouvelles sources pour alimenter le canal qui a besoin, pour fonctionner proprement, de se remplir de près de 200 millions de litres d’eau douce, un chiffre colossal impossible à atteindre pour l’heure.
La situation, si les choses n’évoluent pas positivement, pourrait occasionner des retards de livraison, notamment pour la fin d’année et les périodes de Noël. En effet, le temps d’attente passe d’un peu plus d’une journée à près de 4 jours. Le niveau d’eau étant très bas, nombreux sont les navires qui ne peuvent circuler car trop gros, ou devant circuler avec peu de marchandises pour respecter le niveau du canal et ne pas se retrouver bloqué dans celui-ci.
Outre les retards possibles, c’est aussi une perte sèche pour l’État panaméen qui voit son chiffre d'affaires descendre autant que son canal. Nombreux sont les armateurs qui ont décidé de contourner le canal, ne sachant pas si les délais d’attente ne vont pas se rallonger. Un détour peut s’avérer moins coûteux que l’attente incertaine au large du canal. Les pertes pour le Panama sont déjà estimées à près de 300 millions d’euros, mais le chiffre pourrait encore augmenter.
Pour 2024, les autorités se veulent alarmistes et
prévoient des limitations de circulation pour encore une bonne année, sauf si
les conditions météos deviennent extrêmement favorables. Cette prolongation des
restrictions de circulation devrait ainsi permettre aux armateurs de mieux
anticiper leurs trajets et ainsi éviter les congestions portuaires, une
initiative louable mais qui pose la question de la durabilité d’un tel canal dans les conditions actuelles, à savoir une sécheresse récurrente et des navires bien trop gros pour y circuler. C’est une véritable piste de réflexion
qui se pose pour le Panama et pour d’autres infrastructures qui vont devoir
s’adapter à la fois à des conditions climatiques compliquées entraînant de
nouvelles contraintes de circulation des navires, et aussi l’arrivée de navires
de plus en plus gros nécessitant des infrastructures capables de les
accueillir… un vrai casse-tête qui va sans nul doute être l’un des grands
sujets d’innovation et de réflexion de ces prochaines années pour le commerce
maritime.